L’arme la plus puissante qui n’a jamais été utilisée contre d’autres humains a été enclenchée par les États-Unis il y a 75 ans, contre le Japon. C’est la triste ville de Hiroshima qui a fait les frais de ce premier bombardement A. Désormais rentré dans l’histoire, le B-29 « Enola Gay » a lâché la première des deux bombes atomiques qui seront employées en seulement trois jours. La première, qui a frappé Hiroshima, a pris le nom de Little Boy. Elle a explosé avec environ 15 000 tonnes de TNT.
Le souffle de la détonation a fait voler les bâtiments en éclats, arraché les tramways de leurs rails et projeté les corps comme de grossiers jouets. Les fenêtres ont explosé, une chaleur torride a carbonisé la peau et les habitations se sont écroulées. Des milliers de personnes se sont retrouvées prisonnières des flammes.
En un claquement de doigts, le nombre de morts était ahurissant. Seulement, beaucoup de victimes ont péri plus ou moins longtemps après que la bombe a explosé. Les estimations sérieuses évoquent actuellement plus de 140 000 individus décédés. Rappelons que la ville abritait quelque 350 000 personnes. Aujourd’hui encore, on constate des problèmes de santé résiduels, qui ont été causés par les retombées radioactives. Cécité, cancer, malformations… beaucoup de symptômes incombent à cette bombe atomique.
Il suffit de regarder les décombres, après l’explosion de la bombe. La cité a été totalement rasée. Moins de 10 % des bâtiments de Hiroshima n’ont pas été endommagés, d’après les données du ministère américain. Bien sûr, ce sont les bombardements atomiques qui ont mis fin à la Seconde Guerre mondiale, du moins celles dans le Pacifique. En revanche, trois quarts de siècle plus tard, les tensions sur les armes nucléaires sont de nouveau sur la table. Il n’y a qu’à regarder la diplomatie nord-coréenne, qui a été traumatisée par cet épisode, et qui se fonde dessus.
Pourquoi les États-Unis ont bombardé la ville de Hiroshima ?
Il faut remonter à avril 1945 pour retrouver à la décision des cibles qui serviront d’essai aux nouvelles bombes atomiques américaines du projet Manhattan. Au total, cinq objectifs ont été désignés par le comité, formé de militaires et de scientifiques. Le site de Kokura (aujourd’hui Kitakyushu), qui abrite l’une des plus grandes usines de munitions du Japon ; Hiroshima, qui est un port d’embarquement et un centre industriel où se trouve un grand quartier général militaire ; Yokohama, qui est un centre urbain de fabrication d’avions, de machines-outils, de quais, d’équipements électriques et de raffineries de pétrole ; Niigata, qui est un port doté d’installations industrielles comprenant des usines d’acier et d’aluminium et une raffinerie de pétrole ; et Kyoto, un important centre industriel.
Jusqu’alors, ces cinq sites avaient été relativement épargnés par les pilonnages nocturnes américains. Les avions avaient pour consigne de ne pas toucher à ces lieux, afin de mieux évaluer l’efficacité d’une bombe atomique. Dès le départ, il était prévu que les déluges n’interviennent pas avant le mois d’août 1945.
Concernant Hiroshima à proprement dite, le comité l’avait présentée comme telle : « un important dépôt de l’armée et un port d’embarquement au milieu d’une zone industrielle urbaine. C’est une bonne cible radar et sa taille est telle qu’une grande partie de la ville pourrait être gravement endommagée. Il y a des collines adjacentes qui sont susceptibles de produire un effet de focalisation qui augmenterait considérablement les dommages causés par l’explosion. En raison des rivières, ce n’est pas une bonne cible incendiaire ». Après expertises, Hiroshima devenait une cible privilégiée pour un bombardement atomique.
L’impact du bombardement de Hiroshima, en 1945
Pendant longtemps, l’historiographie américaine a considéré que le bombardement de Hiroshima avait fortement affaibli le mental des Japonais. Aujourd’hui, cette théorie est bien plus nuancée. En fait, la nouvelle de la destruction de la ville n’avait été communiquée que très lentement à Tokyo. C’est véritablement après le bombardement de Nagasaki, trois jours plus tard, que les autorités japonaises ont compris que la situation était catastrophique et intenable.
Il ne faut d’ailleurs pas oublier qu’entre les deux bombes atomiques, c’est-à-dire le 8 août 1945, l’URSS avait déclaré la guerre au Japon. Un ennemi supplémentaire, qui avait déjà entamé son invasion par le Nord, et qui menaçait le pays du soleil levant. La combinaison de ces événements a fait pencher le gouvernement nippon à concevoir l’inconcevable, pour reprendre l’expression de l’empereur Hirohito. C’est pourquoi le 10 août 1945, le Japon a affirmé approuver les termes de la déclaration de Potsdam, sous réserve que l’empereur reste en position. Les États-Unis ont alors accepté cette demande du Japon, tout en nuançant l’importance du rôle de l’empereur, qui devenait alors beaucoup plus symbolique.
L’héritage, aujourd’hui
75 ans après ces événements terribles, les villes de Hiroshima et de Nagasaki sont confrontées à un autre défi : les ultimes jours des rescapés du bombardement. Ces derniers essaient tant bien que mal de faire passer la torche aux nouvelles générations, dans la mesure où l’âge moyen des survivants a dépassé les 85 ans. On remarque que beaucoup de documentations sont produites, afin de ne pas oublier et surtout de ne pas répéter les erreurs du passé.
Si vous êtes de passage au Japon, et notamment dans la région de Hiroshima, nous vous conseillions de visiter le mémorial de la paix de la ville. Extrêmement poignant, c’est une véritable leçon de mémoire et d’histoire qui vous sera prodiguée. Le dôme d’un bâtiment est maintenu en l’état exact de destructions causées par la bombe. La municipalité estime qu’il s’agit d’un élément essentiel pour comprendre la pertinence et l’importance en tant que patrimoine mondial.
Hiroshima et Nagasaki ont permis au gouvernement de Tokyo de représenter le Japon en tant que nation pacifiste. En outre, les médias japonais ont mis l’accent sur le cours de l’histoire, en particulier sur l’avènement des armes nucléaires, avec la formule officielle « seule nation bombardée atomiquement ». Aujourd’hui, les autorités souhaitent s’appuyer sur ce terrible désastre afin d’éduquer les prochaines générations, et de consolider une paix durement acquise.