On entend souvent dire que la France est le second pays du manga après le Japon. Cette affirmation n’est pas simplement une perception, elle est corroborée par des chiffres impressionnants qui placent la France en tant que deuxième plus gros consommateur mondial de mangas, juste derrière le Japon. Cependant, cette popularité ne se limite pas à une simple question de chiffres. La France a su tisser une relation unique avec le manga, ce qui la différencie des autres grandes communautés hispaniques ou anglophones. L’histoire de cet engouement, son expansion rapide, et son impact culturel profond font de la France un acteur incontournable dans l’univers du manga. Retour sur les raisons qui expliquent ce succès grandissant.
1. La France, deuxième plus grand consommateur de mangas au monde
L’affirmation selon laquelle la France est le deuxième pays du manga s’appuie d’abord sur les chiffres de vente. Depuis son arrivée en France en 1989, le manga a vu ses ventes exploser, avec une croissance de 54 % sur 10 ans, selon La Voix du Nord. En 2021, ce sont 47 millions de mangas qui se sont écoulés, soit le double par rapport à l’année précédente. Ce succès est porté par des franchises emblématiques comme One Piece, Dragon Ball et Naruto, qui dominent les classements.
En 2023, malgré une légère baisse, environ 40 millions de mangas ont été vendus en France, ce qui correspond à près de 700 000 mangas par semaine. Cela fait de la France le deuxième plus grand marché du manga, juste derrière le Japon. Ce succès durable s’explique en partie par l’engouement pour les œuvres de longue haleine, comme One Piece, qui a vendu plus de 6,7 millions de volumes en France en 2022, et reste la série la plus vendue depuis plus de 12 ans.
Cependant, derrière la France, les États-Unis ne sont pas loin. En 2021, les Américains ont acheté 24,4 millions de mangas, une augmentation de 160 % par rapport à 2020. Bien que les États-Unis soient un grand marché pour les animes, la France conserve pour l’instant sa place de second marché mondial pour les mangas.
2. Des mangas français
Depuis l’introduction du manga japonais en France, il a fortement influencé de nombreux artistes locaux, donnant naissance à une vague de créations inspirées. Ces œuvres, appelées « manfras », reprennent le format traditionnel du manga tout en intégrant des éléments de la culture française.
Des titres comme City Hall, Pink Diary, Dofus et surtout Radiant, de l’auteur toulousain Tony Valente, en sont de parfaits exemples. Radiant est même devenu un véritable phénomène : non seulement il a été le premier manga français publié au Japon, mais il a également été adapté en anime par un studio japonais. Cette reconnaissance montre que le manga a su s’imprégner de la culture française tout en gardant ses caractéristiques japonaises.
3. La France, berceau de la Japan Expo
L’une des raisons majeures expliquant le succès du manga en France réside dans l’organisation de grands événements dédiés à cette culture, dont la Japan Expo est le plus emblématique. Créé en 1999 par Jean-François et Sandrine Dufour ainsi que Thomas Sirdey, cet événement annuel se tient au Parc des Expositions de Paris-Nord Villepinte et attire chaque année des centaines de milliers de visiteurs passionnés. La Japan Expo est aujourd’hui le plus grand salon européen consacré à la culture japonaise, en particulier au manga, aux anime, et aux jeux vidéo, mais elle couvre également d’autres aspects de la culture japonaise comme la musique (J-pop, J-rock), les arts martiaux, le cinéma, la mode, et même la cuisine.
Au départ modeste, la première édition de la Japan Expo s’est tenue dans les sous-sols de l’ISC Paris, sur une surface de 2 500 m². Rapidement, le salon a grandi pour devenir l’événement incontournable qu’il est aujourd’hui. En 2006, la convention s’est installée à Villepinte, avec une fréquentation de plus de 56 000 visiteurs. Ce chiffre n’a cessé de croître pour atteindre 252 510 visiteurs en 2019, faisant de la Japan Expo un événement interculturel majeur en Europe, en particulier pour les 15-25 ans.
La Japan Expo n’est pas simplement un lieu de rencontre pour les fans de manga et d’anime, elle est aussi un espace où les visiteurs peuvent découvrir de nouvelles œuvres, rencontrer des mangakas de renommée internationale et assister à des avant-premières exclusives. L’édition 2022 a, par exemple, accueilli des figures emblématiques comme Junichi Hayama, animateur de renom, ou encore des concerts de groupes de J-pop et de J-rock. Les fans peuvent également assister à des conférences avec des invités prestigieux comme Leiji Matsumoto, le créateur d’Albator, ou encore participer à des concours de cosplay.
Mais la Japan Expo ne s’arrête pas là. L’événement inclut également des zones dédiées aux professionnels, comme le Business Center, où les acteurs japonais et occidentaux de l’industrie du manga, de l’anime ou du jeu vidéo peuvent échanger. Ce volet professionnel de la Japan Expo en fait un lieu clé pour la diffusion de la culture japonaise en France et en Europe.
Depuis 2009, la Japan Expo s’est également déployée en province avec Japan Expo Sud, à Marseille, et a même tenté une incursion aux États-Unis avec Japan Expo USA en Californie en 2013. Ces déclinaisons témoignent de l’importance de cet événement dans la promotion de la culture manga à l’échelle mondiale.
La Japan Expo a su évoluer au fil des années pour rester un rendez-vous incontournable pour tous les amateurs de la culture japonaise en France. Sa popularité contribue largement à faire de la France un acteur majeur dans l’univers du manga, non seulement en tant que consommateur, mais aussi en tant que vecteur de diffusion et de promotion de cette culture.
4. La France, source d'inspiration pour les mangakas japonais
L’influence de la France ne se limite pas à la consommation de mangas, elle est aussi une source d’inspiration pour de nombreux auteurs japonais. De Les Misérables à Versailles no Bara (Lady Oscar), en passant par Le Chevalier d’Éon, de nombreux mangas s’inspirent de l’histoire et de la culture françaises. Un exemple notable est Sanji, personnage de One Piece, dont l’élégance et les manières sont directement inspirées de la culture française.
L’amour des Japonais pour la France ne se manifeste pas seulement dans les mangas, mais aussi à travers l’architecture, la gastronomie et l’histoire française qui sont souvent mises en avant dans leurs œuvres.
5. Parutions simultanées et innovations
Une autre particularité qui fait de la France un marché unique pour le manga est la sortie simultanée de certains titres au Japon et en France. Des séries comme One Piece ou Boruto bénéficient de parutions simultanées, notamment grâce à des plateformes de lecture en ligne. Cette synchronisation renforce le lien entre les fans français et la culture manga, leur permettant de suivre en temps réel les aventures de leurs héros.
En parallèle, le développement d’applications et de services de lecture en ligne a largement contribué à démocratiser l’accès aux mangas en France, tout en favorisant leur popularité. Ce dynamisme montre à quel point la France est devenue une place centrale dans l’industrie du manga, aux côtés des États-Unis et du Japon.
La France peut légitimement revendiquer sa place de deuxième pays du manga au monde. Forte de sa culture BD et d’un public fidèle et passionné, la France a su faire du manga un pilier de son marché de l’édition. En plus de la consommation, elle influence aussi l’univers du manga à travers ses auteurs, ses événements, et même sa propre culture. Alors que les États-Unis montent en puissance, la France continue d’évoluer comme une patrie d’adoption pour le manga, et cet engouement ne montre aucun signe d’essoufflement.
Qu’est-ce qu’un manga ?