Comment le Japon réagit au conflit israélo-palestinien ?

Le Japon est un pays d’Asie du Sud-Est qui est, géographiquement, isolé, mais dans les faits, la politique internationale est au premier plan. C’est pourquoi il est intéressant de se demander comment le Japon réagit par rapport au conflit israélo-palestinien, qui déchire la planète. Dans cet article sourcé, on vous donne le maximum de clé de compréhension possible.

Quelles sont les relations entre Israël et le Japon ?

Avant de rentrer dans l’actualité, il est important de regarder en arrière. L’histoire des relations entre le Japon et Israël a commencé le 15 mai 1952 lorsque le Japon a officiellement reconnu Israël. Une légation israélienne s’est d’ailleurs ouverte à ce moment-là à Tokyo. Puis, en 1954, l’ambassadeur japonais en Turquie a assumé un rôle additionnel de ministre en Israël. Un an plus tard, en 1955, une première légation nipponne avec un ministère s’est ouverte à Tel-Aviv. Enfin, en 1963, les relations ont évolué et sont passées au niveau des ambassades. Depuis, elles le sont restées, et nous avons désormais des relations commerciales entre Japon et Israël assez fortes. Cependant, le Japon a indiqué que ses relations commerciales avec les nations arabes et l’Iran ont une priorité sur celles avec Israël.

Le Japon ne s’est jamais vraiment prononcé pour l’une des deux puissances. Le pays a souhaité ouvrir un dialogue où chacune devrait faire des compromis sur ses ambitions. C’est ainsi qu’en juillet 2006, le Japon a annoncé un plan pour introduire un « couloir de la paix pour la paix et la prospérité ». Celui-ci serait fondé sur un développement économique, mais aussi sur un effort commun entre des Palestiniens et des Israéliens. Deux ans plus tard, en juillet 2008, le gouvernement japonais réitère son soutien à son plan. Les entretiens sont menés avec des Israéliens et des Palestiniens, en invitant les deux côtés à travailler mutuellement, plutôt que de reprendre les armes. Cependant, ce plan est clairement fantaisiste, et n’a jamais vraiment pris. Il a toutefois été très étudié par Shimon Peres, qui a participé à une conférence internationale à New York en septembre 2006 organisé par l’ancien président des États-Unis, Bill Clinton.

Vous pouvez retrouver sur Wikipédia un historique de toutes les visites des personnes importantes du Japon vers Israël ou l’inverse. On remarque que les relations sont devenues de plus en plus étroites à partir des années 90, et que les ministres des Affaires étrangères se sont maintes fois rendus dans les pays dans les années 2000. Il faut dire que jusqu’aux années 1990, le Japon était le pays développé qui approuvait le plus de demandes arabes de boycott d’Israël. Cela avait de quoi refroidir les relations économiques entre les deux pays. Mais peu à peu, les importations et les exportations ont repris. Si l’on regarde ce qu’Israël envoie au Japon, c’est principalement des produits chimiques, des appareils haut de gamme, et des diamants polis. De l’autre côté, le Japon exporte principalement ses automobiles, mais également des machines et des produits chimiques. On a donc un échange mutuel de produits qui sont d’abord à forte valeur ajoutée.

Tokyo joue la carte de la prudence

Historiquement, le Japon est un pays aligné sur les positions de l’Amérique et de l’OTAN. Il faut dire que l’archipel n’a pas le droit, légalement, d’avoir une armée offensive et que les défenses extérieures du pays reposent sur son grand frère américain. Cela fait suite à la grande défaite de la Seconde Guerre mondiale et à la nouvelle constitution, qui a été largement rédigée par les alliés, en particulier par les Américains. C’est pour cela qu’à la suite de l’attaque du mouvement islamiste palestinien HAMAS en Israël, le 7 octobre 2023, le gouvernement japonais est resté mesuré dans toutes ses prises de décision. Les communiqués s’enchaînent, et sont parfois confus, voire contradictoires.

La première réaction japonaise, officielle, était de condamner l’agression du Hamas. Selon les politiques de Tokyo, ce mouvement a durement touché des populations civiles et innocentes. Toutefois, on remarque que le terme « d’organisation terroriste » n’a pas été employé. Deux jours plus tard, un grand communiqué commun avec bon nombre de nations majeures comme les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne ou l’Italie a été publié. Le Japon n’en faisait pas partie. Le papier condamnait « sans équivoque le Hamas et ses effroyables actes de terrorisme ».

Ensuite, le Premier ministre Fumio Kishida ne s’est pas rendu en Israël pour assurer son soutien, en personne comme ses homologues, au pays hébreu. Donc, on comprend que les Japonais ne souhaitent pas soutenir plus que ça les Israéliens face aux Palestiniens. Cependant, depuis le mois d’octobre 2023, la position nipponne évolue sans cesse. Par exemple, la ministre des Affaires étrangères a qualifié le 12 octobre 2023 l’assaut du Hamas comme une « attaque terroriste ». Elle est finalement allée en Israël le 2 novembre pour appeler à une trêve humanitaire.

Et que pense la population ?

La population japonaise est profondément pacifiste dans sa globalité. Bien sûr, il existe çà et là des extrêmes qui militent pour le retour d’une armée offensive, voire même d’une intervention dans plusieurs pays du monde. L’idée pour ces personnes-là, c’est que la puissance d’un État passe d’abord par une armée puissante, et qu’il faut restaurer une gloire perdue depuis la défaite de 1945. Mais les Japonais sont dans leur majorité profondément pacifistes. Nous l’avons déjà vu il y a quelques années avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les Japonais sont profondément opposés à ce conflit. Des manifestations spontanées ont été observées pour soutenir l’État d’Israël face à l’agression du Hamas.

Mais très vite, d’autres manifestations ont eu lieu. Le 16 mai 2024 au soir, une grande manifestation étudiante a été organisée en soutien à la Palestine. Cela à l’occasion du 76e anniversaire de la Nakba, commémorée le 15 mai. Plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées et ont témoigné pour soutenir la Palestine face à ce qu’elles appelaient un « génocide » par Tel-Aviv.

Le soutien à la Palestine a progressivement émergé au fur et à mesure de l’année 2024. Il faut dire que les Japonais sont majoritairement connectés à au moins un réseau social, et qu’ils peuvent suivre les atrocités commises par Israël depuis le début du conflit. Les bombardements sur des cibles humanitaires, sur des hôpitaux, des maternités, tout cela, les Japonais en sont conscients. Peu à peu, soutenir Israël est devenu un acte gênant pour une partie de la jeunesse, et notamment les universitaires.

Hiroshima et Nagasaki sont deux villes qui ont connu des bombardements atomiques. Chaque année, des hommages y sont rendus, et c’est l’occasion pour tous les hauts dignitaires du monde entier d’y figurer. Cependant, les deux municipalités ont décidé d’exclure les représentants de la Russie et de la Biélorussie. Hiroshima a décidé d’inviter l’ambassadeur d’Israël et non le représentant de la Palestine au Japon, alors qu’elle le faisait chaque année. Nagasaki a fait l’inverse, en conviant le représentant palestinien tout en n’invitant pas l’Israélien. Derrière ces mesures exceptionnelles, le Japon se défend en expliquant avoir fait cela pour « tenir une cérémonie dans une atmosphère paisible ». Mais le symbole est fort, très fort, alors que le Japon aurait pu se contenter d’un rôle plus neutre.

Enfin, la télévision japonaise fait comme bien souvent : elle apporte un regard distant sur l’actualité du conflit, en ne prenant pas vraiment position. Les invités ne sont pas des parties prenantes qui vont apporter un regard critique sur les agissements des deux belligérants. Ainsi, au Japon, la jeunesse est davantage un soutien pour les palestiniens que les seniors.

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