Le secrétaire japonais général du Cabinet ministériel, Yoshihide Suga, a déclaré lundi dernier que les relations avec la Corée du Sud étaient dans un « état déplorable », signe que les tensions qui sont en cours entre les voisins mais également alliés des forces de sécurité américaines pourraient s’aggraver dans les prochains mois.
Tokyo et Séoul ont donc renoncé à des décisions rendues par la plus haute juridiction de la Corée du Sud, obligeant deux des plus grandes entreprises japonaises à verser une indemnité aux Coréens contraints au travail pendant le régime colonial japonais de 1910-1945.
Ce dimanche, le Premier ministre Shinzo Abe a déclaré qu’il envisagerait des mesures visant à protéger les actifs de Nippon Steel et Sumitomo Metal Corp contre les saisies établies par les tribunaux sud-coréens.
« Les relations entre le Japon et la Corée du Sud sont dans un état déplorable », a déclaré Suga, porte-parole du gouvernement japonais, lors d’une conférence de presse régulière à Tokyo. Les récentes mesures prises par Séoul sont « regrettables ». »
La méfiance entre les deux voisins a également augmenté alors que les deux parties échangent des accusations sur l’auteur d’un attentat, survenu en décembre dernier au Japon, selon lequel un navire de la marine sud-coréenne aurait utilisé un radar à verrouillage de cible sur son avion de patrouille. Séoul a expliqué que l’avion volait de manière « provocante » et a demandé à Tokyo de s’excuser. Lundi, les législateurs du Parti libéral démocrate japonais ont appelé au Conseil de sécurité des Nations unies pour discuter de l’incident en question.
Lors d’une réunion conjointe de la division de la défense nationale et de la commission de recherche sur la sécurité nationale du Conseil de recherches sur les politiques du LDP, plusieurs participants ont appelé à des actions fortes contre la Corée du Sud.
D’autres blessures – plus anciennes – reveillées
Les deux pays se querellent depuis longtemps sur l’occupation de la péninsule coréenne par le Japon, qui s’est soldée par sa défaite lors de la Seconde Guerre mondiale. Les « femmes de réconforts », les crimes de guerre, les travaux forcés, la naturalisation forcée… Les conflits ont repris de plus belle depuis l’élection de 2017 du président sud-coréen Moon Jae-in, dont l’administration a décidé de dissoudre un fonds d’indemnisation des femmes contraintes de travailler dans des maisons closes japonaises, et a soutenu les efforts des Coréens pour poursuivre leurs revendications à travers l’Asie.
Shinzo Abe, premier ministre japonais, a lui confié lors du programme TV « Sunday Debate » de NHK qu’il avait « demandé aux départements concernés d’étudier des mesures spécifiques fondées sur le droit international » pour empêcher la Corée du Sud de saisir les biens des entreprises visées. ».
Le Premier ministre a déclaré qu’un traité de 1965, qui normalisait alors les relations entre les pays, réglait toutes les questions relatives aux demandes d’indemnisation. Le ministère des Affaires étrangères de la Corée du Sud a déclaré qu’il s’attendait à une réponse sincère du Japon et a refusé de répondre directement au commentaire de M. Abe.
Les ministres des Affaires étrangères des deux pays ont eu un entretien téléphonique la semaine dernière, a déclaré la Corée du Sud. Le mois dernier, des responsables des deux pays ont déclaré qu’ils cherchaient des moyens de donner suite aux décisions de la cour.
Mitsubishi Heavy Industries Ltd. a été condamnée à verser jusqu’à 100 000 euros à chacune des 10 personnes soumises au travail forcé, tandis que Nippon Steel a été condamnée à verser 80 000 euros à chacun des quatre plaignants. Selon le ministère des Affaires étrangères, plus d’une douzaine d’affaires de ce type sont en instance en Corée du Sud et concernent environ 70 entreprises. Selon ces derniers, les demandeurs d’asile sont des « anciens travailleurs civils originaires de la péninsule coréenne ».
Les avocats représentant les conscrits sud-coréens ont demandé à un tribunal de la ville de Pohang de saisir les avoirs de Nippon Steel. Le tribunal pourrait décider dans deux ou trois semaines s’il accepte la demande de saisie des 2,34 millions d’actions, ce qui représente environ 9 millions d’euros. Nippon Steel, l’entreprise japonaise, est également partenaire du sidérurgiste sud-coréen Posco, ce qui irrite plusieurs acteurs du secteur…
Une fracture
En 2017, le commerce entre les deux pays atteignait pourtant un total de plus de 80 milliards d’euros. Les deux pays étaient dans les deux cas leur troisième partenaire commerciale. Pourtant, ces liens économiques forts n’ont pas empêché les récentes ruptures diplomatiques.
Mais bien que les tensions latentes entre le Japon et la Corée du Sud aient provoqué des manifestations dans les rues de Séoul et des appels au boycott des produits japonais, les différends précédents ne se sont jamais aggravés au point de causer de graves dommages économiques. Néanmoins, la situation politique dans les deux pays se tasse davantage chaque jour.
Un sondage effectué par le journal Yomiuri Shimbun (au Japon donc) du 14 au 16 décembre a même révélé que 86 % des personnes interrogées étaient d’accord pour dire que toutes les revendications de travail forcé étaient réglées en vertu du traité de 1965. L’opinion publique est un enjeu clef et deviendra de plus en plus importante pour le politique conservateur Shinzo Abe dans la perspective des élections à la Chambre haute en juillet.
Côté coréen, Moon, un progressiste, a vu son taux de désapprobation dépasser son taux d’approbation pour la première fois depuis son entrée en fonction en mai 2017. De nombreux détracteurs ont déclaré que le président n’avait pas la capacité de résoudre les problèmes économiques de la Corée du Sud…
En bref, les relations entre Corée du Sud et Japon ne sont clairement pas au beau fixe. Tensions diplomatiques, menace de sanctions diplomatiques et économiques sur les entreprises, les deux pays qui marchaient financièrement main dans la main sont désormais dos au mur. Si l’avenir s’annonce houleux, nul doute que les Etats-Unis, figure prédominante diplomatiquement parlant dans la région après la Chine va tenter de rallier à sa cause les deux pays.