Dans la culture otaku du manga et de l’anime, le terme Shotacon revient bien souvent dans les genres, les tags ainsi que dans les catégories. Dans le contexte japonais, il désigne l’attirance pour les personnages de garçons jeunes (ou en tout cas d’apparence jeune), mais aussi les œuvres centrées sur cette attraction. C’est donc à la fois un type d’attirance, mais également une manière de catégoriser les œuvres qui évoquent cette thématique. Bien sûr, cela soulève immédiatement une question sous-jacente de pédophilie dans la plupart des cas, par exemple si une femme d’une trentaine d’années est attirée par un garçon d’une dizaine d’années. Nous y reviendrons dans une partie dédiée de cet article, mais si vous êtes un lecteur français, sachez que la représentation sexuelle de mineurs, même lorsqu’elle est sous forme de dessins, est formellement interdite et condamnée en France par la loi.
Aujourd’hui, le terme a été clairement repris presque exclusivement pour un genre de mangas ou d’animes dans lequel des personnages masculins, très souvent prépubères ou pubères, sont représentés de manière érotique ou suggestive. La plupart du temps, c’est dans le rôle évident d’objets d’attraction, mais parfois, c’est dans un rôle un peu moins apparent de « sujet », de sorte à ce que le lecteur s’identifie au personnage. En ce qui concerne l’adulte, il peut s’agir d’une femme, c’est même très souvent le cas, mais aussi d’un homme. Une œuvre très connue dans laquelle on voit ce type de relation est Boku no Pico (le lien vous renvoie vers notre article complet sur l’œuvre, avec une analyse). Quand on voit une relation entre un jeune enfant et une femme adulte, on utilise généralement l’expression « straight shota ». Puis, quand le personnage enfant est associé à une fille beaucoup plus adulte, on peut utiliser l’expression « oneshota », qui est un remix de l’expression Shota (jeune garçon) avec la manière d’appeler une sœur aînée (onee-san).
Quelle est l'origine du terme et de l'expression Shotacon ?
Le terme « Shotacon » est en réalité une contraction japonaise du Shotaro complex, une référence aux jeunes personnages masculins Shotaro de l’œuvre Tetsujin 28-Go. Que ce soit dans le manga ou dans son adaptation en série animée, c’est un jeune détective audacieux et sûr de lui qui déjoue fréquemment ses adversaires et qui aide à résoudre des affaires. Tout au long de ses aventures, il développe des relations très proches avec de nombreux personnages et finalement, c’est lui qui est à l’origine de l’expression, malgré lui. Bon, c’est vrai qu’il est difficile de déterminer quand et où s’est développé le concept du Shotacon. Ce qui est certain, c’est qu’il est considéré au Japon que les premières racines se trouvent dans les réponses des lecteurs à la série policière écrite par Edogawa Rampo. Le très connu auteur a rédigé de nombreuses œuvres, et l’une de ses principales présente un personnage nommé Yoshio Kobayashi du « Shōnentanteidan ». Dans celui-ci, on trouve une très forte relation et dépendance avec le protagoniste adulte Kagoro Akechi. De son côté, Kobayashi est un joli adolescent qui se préoccupe constamment du cas et du bien-être de Kogoro. Il ira même jusqu’à emménager avec lui, et ils vont tisser une relation adulte-garçon, certes non sexuelle, mais très intime, qui a inspiré l’évolution de la communauté Shotacon.
Aujourd’hui, il est considéré par Tamaki Saito, un psychologue et critique, que le public moderne du Shotacon est à peu près égal entre les hommes et les femmes. À l’origine, ce genre proviendrait d’une ramification du yaoi, traditionnellement beaucoup plus consommé par les femmes au Japon et dans le monde. Mais peu à peu, le genre Shotacon a été adopté par des lecteurs masculins, influencé notamment par le genre lolicon. Selon Kaoru Nagayama, l’anthologie manga de 1995 UC BOYS : Under Cover Boys a déclenché une explosion de la popularité commerciale du genre Shotacon dans la seconde moitié des années 80. À la fin des années 1990, le phénomène s’est effondré. Cependant, dans le même temps, le Shotacon ciblant les hommes a connu une légère résurgence à partir de 2002. En France et dans le reste du monde, les œuvres en format papier n’ont pas vraiment circulé, malgré quelques importations. Il faut dire que, comme nous le verrons plus tard dans l’article, cela a été formellement interdit depuis la fin des années 1990 en métropole. En Europe et dans l’Occident en général, il faut attendre la prolifération des sites de scans de mangas pour une explosion de la popularité du Shotacon via le contenu en ligne illégal.
Le Shotacon est-il uniquement un terme utilisé dans les œuvres érotiques ?
Que ce soit dans les cultures japonaise ou occidentale, les œuvres Shotacon sont désormais très larges. Il existe des exemples où la relation Shotacon est légèrement suggérée, voire parfois uniquement romantique. Il n’y a pas d’obligation qu’elle soit sexuelle pour être catégorisée comme telle. Mais parfois, cela leur vaut de ne pas être considérées comme de vrais Shotacon par certains sites de référencement. Il faut bien avouer que pour la plupart des cas, le Shotacon contient des éléments explicitement pornographiques, notamment dans les doujinshi et les hentai. Prenons par exemple le manga Loveless : il présente une relation érotisée, mais non consommée, entre le protagoniste masculin de seulement 12 ans et un homme de 20 ans.
Nous vous avions parlé du lolicon, et le même principe de fusion de concepts est repris ici. Les Japonais, étymologiquement, incorporent les concepts de kawaii (le fait d’être gentil et mignon) avec le moe (où l’on représente des personnages mignons présentés comme jeunes, impuissants, naïfs, afin d’augmenter une potentielle identification du lecteur et de lui suggérer, a minima, des sentiments de protection envers le personnage).
Et pour les questions d'illégalité ?
Au Japon comme ailleurs, certaines critiques affirment sans conteste que le genre Shotacon contribue à de véritables abus sexuels sur les enfants. D’autres prétendent qu’il n’y a aucune preuve de cela, ou même que cela aurait un effet inverse, puisque les personnes sensibles, voire pédophiles, évacueraient leurs besoins avec ce genre d’œuvres plutôt que sur des personnes réelles. En France, l’aspect législatif est plutôt clair : le Shotacon dans les mangas ou bien dans les animes est condamné aux termes de l’article 227-23 du Code pénal. En effet, une modification en 1998 a rajouté le terme « représentation » dans cet article. Ainsi, les œuvres japonaises, même si ce sont de l’animation ou des dessins, sont directement comprises. Toute représentation d’un mineur qui présente un caractère pornographique est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. Malheureusement, force est de constater que cela n’a jamais été vraiment suivi d’actions : aucune condamnation n’a jamais été prononcée concernant un cas de possession ou de consultation de ce type d’images !
Dans d’autres pays comme le Canada, le même type d’interdiction a été prononcé en 2005. Le Japon, qui est pourtant le pays source de Shotacon, a une législation très différente des autres pays. Il interdit notamment le Shotacon avec de vrais enfants, par exemple dans des films ou des séries. Cela dit, les Shotacon avec des personnages fictifs, notamment dans les mangas et les animes, sont autorisés. Bien évidemment, de nombreuses associations de protection de l’enfance se sont insurgées contre cette dissonance juridique et cherchent à renforcer les lois. Il y a eu des débats, notamment lorsque le parti libéral-démocrate nippon a proposé une loi le 27 mai 2013. Mais après des débats, la loi a finalement été adoptée en juin 2014, seulement après que la réglementation sur les animes et les mangas lolicon a été supprimée du projet de loi. Pour les opposants, bien que cela ait l’avantage de protéger les enfants, cela restreint la liberté d’expression des auteurs. C’est bien cette loi qui a interdit la possession de pornographie réelle depuis 2015, mais qui laisse encore légale la représentation de mineurs dans des activités sexuelles dans des œuvres fictives.
Si vous souhaitez en savoir plus sur le statut juridique de la fiction pornographique mettant en scène des mineurs dans les différents pays, nous vous conseillons de lire cet article très complet de Wikipédia.