On pourrait croire que le Japon et la Corée du Sud ne sont pas des rivaux sérieux. Ces deux pays sont voisins, démocratiques et industrialisés et entretiennent des liens économiques profonds. Ils ont en commun des menaces extérieures (Corée du Nord et Chine) et ont conclu une alliance avec les États-Unis. Les relations entre Séoul et Tokyo se sont normalisées en 1965, mais leur sombre passé interdit toute forme de partenariat stable. Dans cet article, nous revenons sur les raisins de la haine entre ces deux géants asiatiques.
Une colonisation extrêmement douloureuse
De 1910 à 1945, le Japon a colonisé la Corée. La Seconde Guerre mondiale a vu le pays nippon obliger les Coréens à travailler et à se livrer à l’esclavage sexuel. Aux yeux de la Corée du Sud, le Japon ne manifeste que peu de remords pour ces abus passés. De son côté, le Japon se sent irrité par une demande d’excuses et de réparations qu’il considère comme inappropriée.
Ce ressentiment de longue date entre les deux pays a recommencé à se manifester récemment, lorsque la Cour suprême de Corée du Sud a décidé que certaines entreprises japonaises devaient payer des compensations pour leur participation au travail forcé coréen pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce verdict est tombé au milieu de désaccords liés à un accord de 2015 sur la question émotionnelle des « femmes de réconfort » : une expression employée pour désigner les femmes qui ont été forcées de fournir des services sexuels aux soldats japonais avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. Aux dires de certains, cette affaire serait le point le plus bas des relations entre le Japon et la Corée du Sud depuis 1965.
Les Japonais affirment que les poursuites pour travail forcé sont exclues par l’accord de 1965, qui prévoit le rétablissement des relations diplomatiques entre la Corée du Sud et le Japon. Le gouvernement japonais a versé 800 millions de dollars en espèces et en prêts, et a déclaré que si les travailleurs avaient maintenant droit à des paiements, ce serait la responsabilité du gouvernement coréen.
Une épine dans le pied pour les États-Unis
En Asie, le Japon et la Corée du Sud sont les principaux alliés des États-Unis. Si ces pays ne sont pas en mesure de collaborer et de présenter un front uni contre la Chine et la Corée du Nord, Beijing a une occasion en or d’accroître son influence régionale, et Pyongyang pourrait exploiter les divisions entre les partenaires américains.
Le gouvernement de Moon Jae In (Corée du Sud) poursuit depuis 2017 un projet de paix entre la Corée et la Corée du Nord pour rétablir les relations entre les deux pays. Cette démarche est indispensable pour régulariser la situation en Asie du Nord-Est, déchirée par le programme d’armement nucléaire de la Corée du Nord. Sur le plan pratique, cette politique est très bien perçue et de nombreux sympathisants issus du monde entier la soutiennent. A l’exception de Shinzo Abe, le Premier ministre japonais.
Les conservateurs japonais sont opposés à une réunification pacifique des deux Corées, ce que les Coréens ont bien compris à travers leur histoire. Les échanges entre le Japon et la Corée du Sud n’ont cependant jamais été aussi importants, que ce soit sur le plan humain ou culturel. Ainsi en 2018, plus de 7,5 millions de Sud-Coréens ont visité le Japon, tandis que plus de 2,3 millions de Japonais ont voyagé de l’autre côté de la frontière.