À 71 ans, le nouveau premier ministre du Japon prend la succession d’un gouvernement qui n’a pas fait l’unanimité au Japon. Les principaux efforts économiques et sociétaux entrepris il y a de cela plusieurs années ont, pour beaucoup, été balayés par la pandémie de coronavirus. L’économie vacillante du Japon peine à se relever, et c’est là que les premiers coups seront injectés d’ici les prochaines semaines. Suga, lieutenant fidèle de Shinzo Abe, devrait poursuivre sa politique financière et sociétale. Cependant, nous ne sommes pas à l’abri de quelques surprises, et voici les défis essentiels auxquels il va devoir répondre.
S’il a été le bras droit pendant près de huit ans, c’est lui qui occupe désormais la première place politique japonaise. Quand on présente le personnage, on retient souvent qu’il s’agit d’un excellent négociateur politique, et qu’il a une connaissance très approfondie de la bureaucratie japonaise. Cela lui a permis, au cours de sa carrière, de négocier de jolis traités et surtout de grimper, petit à petit, les échelons politiques. Toutefois, contrairement à l’ancien premier ministre du Japon, il ne possède pas le charisme et surtout le sens diplomatique, souvent nécessaires à cette fonction.
On ne pourra cependant lui enlever qu’il sait comment tourne un gouvernement. D’ailleurs, celui qui vient d’être formé reprend une bonne partie des figures qui étaient déjà présentes sous le règne de Shinzo Abe. L’homme l’a d’abord rappelé, le défi majeur sera de répondre à la stagnation de l’économie, qui s’est accentuée au cours des derniers mois. Pourtant, on le sait, la troisième économie mondiale n’éblouit plus personne depuis plusieurs années. De plus, tous les experts s’accordent pour dire qu’elle sera prochainement paralysée par la démographie extrêmement vieillissante du Japon. Le système de retraite est au bord de l’implosion, et des mesures fortes devront être prises selon les conseillers économiques les plus en vogue. La presse japonaise évoque régulièrement la retraite à 70 ans, mais cela ne suffira pas, dans un pays qui compte plus de 80 000 centenaires.
Le tourisme devrait être relancé, c’est impératif. Le Japon souhaite toujours organiser les Jeux olympiques de 2021, en attirant les sportifs de tous les horizons et surtout les projecteurs mondiaux. Rappelons que, comme beaucoup certes, l’économie a enregistré une baisse record de 27,8 %, entre avril et juin. Cela s’explique notamment par le confinement, et les mesures drastiques qui ont été levées à la fin du mois de mai. Depuis, même s’il y a eu des pics de cas de contamination, jamais il n’a été question de repartir dans une phase de confinement. L’économie ne pourrait l’encaisser. Pour le troisième trimestre consécutif, l’économie du Japon est nettement en déclin, ce qui ne cesse d’alourdir la dette publique.
Suga devra aussi se lancer dans de multiples réformes structurelles. Celles-ci ont plusieurs objectifs, d’une part lutter contre le vieillissement progressif de la population japonaise, et d’autre part alléger la bureaucratie nipponne. Les principales pistes distillées dans la presse semblent concerner le travail des femmes, qui sera grandement facilité. On pense également à l’immigration, un domaine plutôt tabou dans la société nipponne, mais qui est indubitablement poussé sur le devant de la scène. Le besoin de manœuvre est trop important, et on devrait assister à une plus forte immigration dès lors que les frontières rouvriront. Avec plus d’un quart des Japonais qui ont 65 ans ou plus, les pronostics ne sont pas au beau fixe. En 2065, d’après une étude, un Japonais sur trois aura plus de 65 ans. Un record dans le monde.
Pour réussir, Suga s’est contenté d’affirmer qu’il poursuivra la politique de son prédécesseur, et qu’il devra l’imiter. Pas sûr que cela suffise, dans un Japon qui réclame de plus en plus de liberté et d’innovation. Plusieurs autres défis majeurs devront être traités, à commencer par les bases américaines au Japon. Alors que Donald Trump souhaite retirer de plus en plus de soldats, le pays du soleil levant devra trancher sur son avenir militaire. Réforme de la constitution, ou une renégociation des accords, en attendant la prochaine élection américaine qui pourrait rabattre les cartes. Enfin, comment ne pas parler de la situation géographique dans les espaces maritimes qui bordent la Corée du Sud, la Corée du Nord, le Japon et la Chine ? Les incursions illégales sont récurrentes, les interceptions aériennes se multiplient du côté du Japon, et le fait de renommer des îles hautement contestées n’aide pas à désamorcer les tensions. Il faudra faire preuve de beaucoup de diplomatie avec les voisins belliqueux, une qualité dont ne peut se targuer Suga.
Beaucoup d’interrogations, auxquelles il est difficile de répondre pour le moment. Les sujets devront se résoudre d’ici les prochains mois, suivant la situation sanitaire mondiale.