Pourquoi le Japon est le pays du soleil levant ?

Le Japon est fréquemment désigné comme étant le pays du soleil levant. C’est une expression élégante qui renvoie à la situation géographique, mais aussi historique du pays et de ses voisins. La périphrase emprunte aussi des fondations géopolitiques, religieuses et mythologiques. Bref, autant d’incertitudes qui sont souvent mal assimilées par les médias contemporains. Faisons le point avec les meilleures explications rationnelles pour comprendre cette expression.

En résumé

Le soleil levant est un concept employé au Japon comme symbole depuis la période d’Asuka, que l’on situe généralement entre 538 et 710 après Jésus-Christ. La première utilisation remonte à une correspondance officielle du prince Shotoku avec l’empereur chinois Sui Yangdi en 608. Le prince qualifie l’archipel japonais de « pays où le soleil se lève ». Depuis, on considère que l’origine de l’expression « pays du soleil levant » provient de cet échange solennel et officiel.

Géographiquement, l’archipel japonais se positionne à l’est de l’Asie. C’est donc là que le soleil se lève en premier sur le continent. Depuis, le pays japonais est désormais qualifié comme le « pays du soleil levant ». Cela a été amplifié au XIIe siècle, lorsque l’ouvrage « Le Dit du Heike » (Heike monogatari) écrit que certains samouraïs avaient des représentations du soleil sur leurs éventails.

Symboliquement, le soleil levant a longtemps été représenté au Japon. Le motif Asahi qui le dépeignait était commun, tout comme le Hiashi sur les crêtes des samouraïs. On observait ainsi un drapeau avec un disque solaire et des rayons du même rouge qui partait de part et d’autre. Il y a eu de nombreuses variations, avec ou sans des nuages, des directions différentes pour les rayons, un positionnement plus ou moins axial pour le cercle. La version la plus connue est le Kyokujitsuki, utilisé depuis l’époque d’Edo (1603 – 1868), que vous pouvez découvrir ci-dessous.

Drapeau Kyokujitsuki

Une origine discutée

Le Japon a toujours été qualifié avec des expressions liées à la nature. Cela offrait une description poétique de la nation, qui n’était pas encore unie en tant que telle, mais qui partageait une culture et une langue dans un archipel. Voici quelques exemples d’appellations antiques du Japon :

  • toyo ashihara no mizuho no kuni : terre fertile où poussent en abondance les roseaux au bord de l’eau et où murissent le riz et les quatre autres céréales
  • yamato : l’entrée de la montagne
  • hi no moto : l’origine du soleil

Premiers contacts Chine-Japon

L'empereur Jimmu et sa troupe après le Yatagarasu (Photo : Public Domain)
L'empereur Jimmu et sa troupe après le Yatagarasu (Photo : Public Domain)

Lorsque le premier ambassadeur japonais est envoyé dans la capitale orientale des Han chinois en 57 après J.-C., le Japon se fait surnommer Wa. Cela s’applique également au peuple japonais, et nous allons voir sa signification un peu plus en dessous. Les autorités chinoises, elles, percevaient les Japonais de cette façon, d’après les récits : « le peuple japonais se nourrit de crudités, de riz et de poisson… il a des relations vassale-maître, il perçoit des impôts, il posséde des greniers et des marchés provinciaux. Il a eu de violentes luttes de succession ».

Au tout premier siècle de notre ère, le clan Yamato prend les devants dans l’archipel japonais. Il commence à dominer tous ses voisins, si bien qu’au Ve siècle après J.-C., il devient un synonyme du Japon (on parle de Yamato pour désigner le Japon). Au fur et à mesure que ce nouveau gouvernement central unique émerge, le Japon a de plus en plus imité la culture chinoise. Cela s’applique notamment dans les méthodes d’administration des localités. En parallèle du clan qui prend de la puissance, l’empereur reste la principale figure du Japon. Depuis quelques générations, les empereurs japonais sont de grands adeptes de la culture chinoise.

Le Pays de Wa

Pays de Wa

L’expression « pays du soleil levant » est née au début de la période Heian (794 – 1185). À cette époque, le grand voisin chinois a qualifié les Japonais par le terme « Peuple des Wa ». L’idéogramme correspondant (倭) désigne littéralement les « nains ». On peut donc estimer que cette qualification était péjorative. Cela pouvait renvoyer, au choix, à la taille des Japonais, mais aussi à leur caractère de soumis à la Chine. Il faut dire qu’à cette époque, l’empire de milieu avait une influence conséquente sur l’archipel nippon. Les domaines de la culture, des armes, de la politique ou encore de la religion émanaient en majorité de la Chine.

Les Japonais, ayant pris conscience de cette qualification péjorative, ont décidé d’employer un kanji homophone (un idéogramme japonais). Le « 倭 » est devenu « 和 ». On prononce toujours Wa, mais cela désigne l’harmonie. On est ainsi passé d’un qualificatif pour désigner le nanisme ou la soumission à une idée d’harmonie dans la société et dans le peuple. Peu après, les élites japonaises ont décidé de faire germer de nouvelles expressions pour évoquer le Japon à l’international. À l’époque, la zone géographique de « l’international » se réduit en général à l’Asie et à quelques comptoirs commerciaux plus à l’ouest.

La naissance du pays du soleil levant

Taishi Shōtoku, dessin à l'encre, vers 1878 ; à la bibliothèque du Congrès, Washington, D.C.
Taishi Shōtoku, dessin à l'encre, vers 1878 ; à la bibliothèque du Congrès, Washington, D.C.

Comme nous l’avons vu ci-dessus, le Japon décide de mettre au point de nouvelles expressions pour la qualification du pays. Cette impulsion vient des plus hautes sphères, et notamment du prince Shōtoku. C’est à lui que l’on attribue la première utilisation officielle de l’expression « origine du soleil ». Au tout début du VIIe siècle, le Japon se développe considérablement et cherche à s’affranchir de la relation d’infériorité qu’il entretient avec la Chine impériale. Quelques missions diplomatiques sont dépêchées en Chine et en 607, le prince commence sa missive à l’empereur chinois Sui Yangdi par la formule suivante : « L’empereur du pays où le soleil se lève envoie une lettre à l’empereur du pays où le soleil se couche ».

Et voilà, l’expression « pays du soleil levant » est née pour la première fois ! On date ainsi son origine de 607-608. Les termes employés dans cette formulation ne le sont pas au hasard. Le pays où le soleil se lève et le pays où le soleil se couche sont deux expressions qui positionnent le Japon comme une place privilégiée par rapport au soleil, un astre très important. Rappelons que les croyances nipponnes l’intègrent dans énormément de mythes et de traditions.

Comme vous l’aurez compris, l’expression du pays du soleil levant a avant tout une portée symbolique. Elle trouve son origine dans les échanges entre les officiels japonais et chinois. Son usage authentique avait pour objectif l’émancipation de la nation nipponne vis-à-vis de son voisin chinois. Le soleil occupe une place déterminante et centrale, avec une symbolique d’astre formidable, se positionnant au-dessus des mortels et qui se retrouve dans les deux principaux courants spirituels du Japon.

De l'importance du soleil

Le soleil a toujours occupé une place prépondérante dans la mythologie shintoïste. Il n’y a qu’à voir la déesse Amaterasu (天照), véritable divinité du soleil. C’est une figure majeure du Panthéon shintoïste et elle entretient encore aujourd’hui un lien spirituel avec beaucoup de Japonais. Les empereurs nippons en sont même des descendants officiels et ont, jusqu’à Hirohito, été perçus comme de nature divine. De plus, Amaterasu a offert les trois trésors sacrés du Japon : une épée, un joyau et un miroir.

Drapeau du Japon

L’astre solaire est omniprésent au Japon. Il suffit de se positionner devant un drapeau japonais : le disque rouge sur fond blanc est emblématique et facilement reconnaissable. Il symbolise le soleil et son nom « hi no maru » peut se traduire en « disque du soleil ». Il a été officiellement adopté comme drapeau national en 1870, et son usage diplomatique a été entériné par une loi promulguée en 1999. D’aucuns disent que le disque rouge représente le soleil, mais surtout la déesse Amaterasu.

Mais qu’en est-il du bouddhisme, l’autre grand courant spirituel du Japon ? Cette religion accorde, elle aussi, une place de choix pour l’astre solaire. Nous le retrouvons particulièrement dans la thématique de l’illumination qui est liée au bouddha historique Shakyamuni, plus connu sous le nom de Siddhārtha Gautama. Celui-ci a atteint l’éveil, phénomène rarissime qui témoigne de sa grande méditation. Au Japon, on le surnomme le Grand Bouddha solaire Dainichi Nyorai (大日如来). Quand on sait que la plupart des Japonais pratiquent le shintoïsme en même temps que le bouddhisme, on ne peut que penser que le soleil revient régulièrement dans leur quotidien !

Nippon, Nihon... D'où viennent ces appellations ?

Quand un Japonais parle de son pays avec un autre interlocuteur japonais, il ne va pas utiliser les expressions « Japan » ou « Japon ». Il va employer le mot Nihon (日本). L’usage de ce terme a presque 2000 ans, et le prince Shotoku – encore lui – le faisait déjà en son temps. Ce mot se compose des idéogrammes 日 (ni, jour ou soleil) et 本 (hon, origine). Il y a donc une idée « d’origine du jour » et d’endroit « où naît le soleil ». À mesure que les siècles se sont écoulés et que les étrangers ont progressivement foulé l’archipel, cela s’est mué en expression du « pays du soleil levant ».

Toutefois, aujourd’hui encore, on emploie les dénominations « nihon » et « nippon ». Leur usage varie drôlement selon le contexte. Globalement, on peut retenir que le terme Nippon est plus utilisé dans les documents officiels ; Nihon est davantage utilisé dans la vie courante. La frontière devient un peu plus poreuse à mesure que les années passent, cependant.

Belle femme japonaise marchant dans le village

Mais alors, pourquoi dit-on « Japon » et pas « Nihon » en France ? Ce nom est la conséquence des mal-formulations successives depuis les prononciations chinoises et malaisiennes. En Europe, il faut rappeler que nous avons d’abord connu le Japon via les routes commerciales qui se sont taillées un chemin jusqu’en Occident. Les premiers contacts ont été réalisés via des intermédiaires, ce qui n’a pas facilité la connaissance du pays.

Puis c’est finalement Marco Polo, le commerçant et explorateur italien bien connu, qui a réintroduit le Japon dans le monde occidental au XIIIe siècle. Lui-même n’a jamais voyagé au Japon, mais il s’est rendu dans le sud de la Chine. Quelques personnes lui ont parlé du Japon comme une province riche et très intéressante. Selon les habitants du sud de la Chine, le Japon se trouve dans la direction où le soleil se lève. Par conséquent, la population locale l’a appelé Ji-pang ou Zu-pang, ce qui peut être traduit par « l’origine du soleil ». Lorsque cela a été transposé en latin, en italien puis en français, cela a donné « Japon »…

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[…] 1868, lorsque l’empereur Meiji est rétabli à la tête du Japon, le pays du soleil levant est militairement faible. Son activité est essentiellement agricole et son développement […]

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[…] que nous le connaissons aujourd’hui, a été conçu pour incarner le surnom de la nation, le Pays du Soleil Levant. Le drapeau japonais est également appelé Hinomaru par certains Japonais, ce qui signifie cercle […]