Pourquoi les yakuzas se coupent-ils l’auriculaire (yubitsume) ?

yubitsume

Les yakuzas, la célèbre organisation criminelle japonaise, sont souvent entourés de mystère et de fascination. Parmi les nombreux rituels et pratiques qui les caractérisent, la coutume de se couper l’auriculaire (le petit doigt) est peut-être l’une des plus intrigantes et macabres. Dans cet article, nous explorerons les origines de cette tradition et examinerons pourquoi elle perdure encore aujourd’hui.

Origines de la tradition

samourai-maitre

La tradition de se couper l’auriculaire remonte au moins au 17ᵉ siècle, à l’époque des samouraïs. Au Japon féodal, les samouraïs étaient des guerriers hautement qualifiés qui respectaient un code d’honneur strict, appelé bushido. Parmi les principes du bushido, la loyauté envers son seigneur et le respect de la hiérarchie étaient des valeurs centrales. Ainsi, un samouraï qui commettait une erreur ou un échec était souvent tenu de se punir pour expier sa faute et rétablir son honneur.

L’amputation de l’auriculaire, également connue sous le nom de « yubitsume », était un moyen pour un samouraï de montrer sa dévotion et sa loyauté envers son seigneur. En coupant son petit doigt, le samouraï affaiblissait son aptitude au combat, notamment dans l’utilisation du sabre, car la prise en main de l’arme en était affectée. Cette auto-mutilation symbolisait le sacrifice personnel pour le bien du groupe et le désir de réparer les erreurs commises.

Adoption par les yakuzas

Yubitsume-manga

Les yakuzas ont emprunté cette pratique aux samouraïs pour des raisons similaires. En tant qu’organisation criminelle structurée avec une hiérarchie et un code d’honneur, les yakuzas cherchent également à renforcer la loyauté et la dévotion entre leurs membres. Lorsqu’un membre commet une erreur ou manque de respect envers la hiérarchie, il peut être contraint de se soumettre au yubitsume.

La procédure consiste généralement à couper l’auriculaire avec un couteau ou un sabre, puis à envelopper le doigt coupé dans un mouchoir ou un morceau de tissu avant de le présenter à son supérieur. Ce geste douloureux et sanglant est à la fois une punition et une démonstration d’obéissance et de loyauté. En outre, l’amputation d’un doigt rend aussi plus difficile pour le membre fautif de quitter l’organisation, car la mutilation est un signe évident de son appartenance aux yakuzas.

Permanence de la tradition

yubitsume film Leto

Malgré la modernisation de la société japonaise et les efforts des autorités pour lutter contre les yakuzas, la pratique du yubitsume perdure. Elle est souvent perçue comme une manifestation de la culture traditionnelle japonaise, ancrée dans des valeurs telles que l’honneur, la loyauté et la hiérarchie. Pour les yakuzas, ces valeurs continuent de jouer un rôle central dans le maintien de l’ordre et de la discipline au sein de l’organisation.

Toutefois, il convient de noter que la tradition du yubitsume est en déclin. Certains clans yakuza ont abandonné cette pratique en raison de la stigmatisation sociale qu’elle engendre et de la pression accrue des autorités. Selon un rapport de la BBC, des prothèses spéciales sont de plus en plus utilisées pour dissimuler l’amputation, montrant que la pratique n’est plus aussi valorisée qu’auparavant.

De nos jours

rue japon yakuza

Bien que les statistiques précises sur les pratiques internes des yakuzas soient difficiles à obtenir en raison de la nature clandestine de ces organisations, il est possible de donner un aperçu général de la situation actuelle du yubitsume.

Le yubitsume est un rituel ancien et traditionnel qui continue d’être pratiqué par certaines factions des yakuzas au Japon, bien que dans une moindre mesure que par le passé. Selon la National Police Agency (NPA) du Japon, le nombre de membres de la mafia yakuza a diminué ces dernières années, passant de 39 100 en 2011 à 23 400 en 2020 (source : The Mainichi). Cette baisse peut également avoir un impact sur la fréquence des pratiques traditionnelles telles que le yubitsume.

Au fil des années, les autorités japonaises ont renforcé leur lutte contre le crime organisé, ce qui a conduit les yakuzas à adopter des méthodes plus discrètes pour maintenir l’ordre et la discipline au sein de leurs rangs. Par exemple, en 2011, le gouvernement japonais a introduit une série de lois anti-yakuza, connues sous le nom de « Bōryokudan Countermeasures Law » qui ont rendu plus difficile pour les membres des yakuzas d’opérer publiquement. Ces lois pourraient également avoir contribué à la réduction de la pratique du yubitsume.

De plus, en raison de la stigmatisation sociale croissante liée au yubitsume et aux tatouages associés aux yakuzas, certains membres cherchent à éviter ces pratiques pour ne pas être facilement identifiés comme membres du crime organisé. Par exemple, un rapport de 2017 du journal Asahi Shimbun indiquait que certains membres des yakuzas se faisaient enlever leurs tatouages pour pouvoir se baigner dans des onsen publics, qui interdisent généralement l’accès aux personnes tatouées.

Déroulement du rituel

Le rituel du yubitsume suit un protocole précis et traditionnel qui reflète le respect des coutumes et de la hiérarchie au sein de l’organisation des yakuzas. Voici comment se déroule généralement le rituel :

  1. Préparation : Le membre fautif doit d’abord se préparer mentalement et physiquement à subir le yubitsume. Il doit accepter la punition comme un moyen d’exprimer son repentir et de restaurer l’honneur au sein de l’organisation.
  2. Rassemblement : Le rituel se déroule généralement en présence des membres de la famille yakuza, en particulier du supérieur hiérarchique du membre fautif. Cette audience vise à souligner l’importance de la punition et à renforcer la notion d’ordre et de discipline au sein du groupe.
  3. Matériel : Le membre fautif doit préparer un couteau bien aiguisé, généralement un tanto (couteau japonais traditionnel) ou un couteau de cuisine, ainsi qu’un morceau de tissu ou de papier pour envelopper le doigt coupé.
  4. Automutilation : Le membre fautif s’assoit en seiza, une position traditionnelle japonaise à genoux, et place sa main gauche sur une surface plane. Il tient ensuite le couteau de la main droite et coupe la dernière phalange de son petit doigt gauche. Le degré de mutilation peut varier en fonction de la gravité de la faute commise, mais souvent, la première punition consiste en l’amputation de la dernière phalange de l’auriculaire.
  5. Offrande : Une fois le doigt coupé, le membre fautif enveloppe soigneusement le morceau amputé dans le tissu ou le papier préparé. Il présente ensuite l’offrande à son supérieur hiérarchique, comme preuve de son repentir et de sa soumission à l’autorité de l’organisation. Le supérieur peut conserver le doigt coupé comme un rappel de la loyauté et de l’obéissance du membre.
  6. Soin de la blessure : Après le rituel, le membre doit veiller à ce que la plaie soit correctement soignée pour éviter les infections et favoriser la guérison. Des bandages stériles et des soins médicaux peuvent être nécessaires pour assurer une cicatrisation correcte.

Impact psychologique

Le yubitsume est une pratique profondément ancrée dans la culture des yakuzas, et sa mise en œuvre peut avoir des conséquences psychologiques significatives pour les membres concernés. Voici quelques-uns des impacts psychologiques possibles :

La mutilation physique résultant du yubitsume peut entraîner un sentiment d’humiliation et de honte pour le membre fautif. Cela peut également le marquer socialement, rendant difficile pour lui de quitter l’organisation et de mener une vie normale en dehors du crime organisé. La stigmatisation sociale peut également affecter les relations personnelles et familiales du membre, créant un isolement accru.

Le yubitsume sert également à renforcer l’identité de groupe et la solidarité au sein de l’organisation. La douleur et le sacrifice partagés par ceux qui subissent cette punition créent un lien fort entre les membres, renforçant leur engagement envers les yakuzas et les valeurs de l’organisation.

Yakuza

La violence et la douleur associées au yubitsume peuvent également provoquer un traumatisme psychologique chez les membres concernés. Cela peut se manifester sous la forme de cauchemars, d’anxiété, de stress post-traumatique ou d’autres troubles mentaux. Le traumatisme peut également entraîner des problèmes de confiance et des difficultés à nouer des relations significatives avec les autres.

La mutilation causée par le yubitsume peut renforcer la dépendance du membre envers l’organisation. En raison de la stigmatisation sociale et des difficultés à trouver un emploi ou à s’intégrer dans la société, les membres amputés peuvent se sentir obligés de rester au sein des yakuzas, dépendant de l’organisation pour leur subsistance et leur protection.

La perte d’un doigt peut également avoir un impact sur l’estime de soi et le sentiment de valeur personnelle d’un membre. La mutilation peut symboliser un échec ou une faiblesse, ce qui peut conduire à un sentiment d’infériorité et d’impuissance. Cela peut également renforcer la hiérarchie au sein de l’organisation, rappelant aux membres leur rang et leur devoir envers leurs supérieurs.

Les efforts de réinsertion sociale

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La réinsertion des anciens membres des yakuzas dans la société est un défi de taille, en particulier pour ceux qui ont subi le yubitsume. Des programmes et des initiatives visant à les aider à trouver un emploi légal et à se réinsérer dans la société sont essentiels pour briser le cycle de la criminalité. Certaines organisations non gouvernementales et initiatives gouvernementales fournissent un soutien en matière d’éducation, de formation professionnelle et d’aide à la recherche d’emploi pour les anciens membres des yakuzas. La réinsertion sociale est un processus complexe qui implique de surmonter la stigmatisation, de développer de nouvelles compétences et de s’adapter à un mode de vie légal.

Cependant, la réinsertion est souvent entravée par la discrimination à l’égard des anciens membres des yakuzas, en particulier ceux qui portent les marques visibles de leur passé criminel, comme le yubitsume. Les employeurs peuvent hésiter à embaucher d’anciens yakuzas en raison de craintes pour la sécurité ou la réputation de leur entreprise. Par conséquent, il est crucial de sensibiliser le public à la nécessité d’accorder une seconde chance à ces personnes et de mettre en place des mesures de soutien efficaces pour faciliter leur réintégration dans la société.

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