Selon une haute fonctionnaire des Nations unies, les écarts entre les sexes demeurent considérables au pays du soleil levant. La répartition traditionnelle des rôles entre les hommes et les femmes est fortement ancrée dans la société et dans les médias, et les inégalités de genre sont répandues au Japon. D’après elle, de nombreuses femmes sont habituées à des normes restrictives et à des possibilités limitées.
Lutter contre les inégalités de genre au Japon
Izumi Nakamitsu, la plus haute responsable japonaise aux Nations Unies a fait remarquer que les rôles des hommes et des femmes sont façonnés de diverses façons pour le public, y compris par le biais des médias populaires.
Dans une interview pour le média Kyodo News, elle lutte pour une émancipation de la femme japonaise : « Il n’y a rien que vous ne puissiez faire parce que vous êtes une femme. Il est important de faire un effort, en croyant que vous pouvez tout faire« .
Selon elle, le mécanisme des médias japonais est à remettre en cause. « Dans les émissions télévisées de débat, les hommes discutent de sujets difficiles tandis que les présentatrices sont sur le plateau comme des ornements. Dans les feuilletons télévisés, on peut aussi voir des hommes tenir une réunion d’affaires et des femmes leur servir du thé« . Si cette situation ne s’applique pas uniquement au Japon, comme on a pu le voir récemment avec la première femme présentatrice du 20h en Corée du Sud, elle n’en demeure pas moins exacte.
Pour Nakamitsu, une manière efficace de lutter contre les inégalités de genre au Japon serait de revoir l’éducation fournie aux plus jeunes. En absorbant sans cesse ce genre de communication par les médias, les enfants japonais sont conditionnés à accepter les frontières entre les sexes comme un élément naturel de la société. Selon elle, il s’agit de normes intériorisées, bien plus qu’ailleurs. Alors que le gouvernement du Premier ministre japonais Shinzo Abe vise à porter le taux des femmes aux postes de direction à environ 30 % d’ici cette année, il semble que l’objectif soit encore trop ambitieux.
S’inspirer du système suédois ?
Nakamitsu a étudié le droit à Tokyo et a obtenu un master en affaires étrangères à l’université de Georgetown à Washington. Par la suite, elle a occupé diverses fonctions au sein et en dehors du système des Nations unies, où elle est entrée au début de la vingtaine. Son mari est lui-même un diplomate suédois. Dans ce pays, le système d’élections parlementaires repose sur un nombre égal de candidats masculins et féminins, de sorte que les postes politiques sont répartis à peu près équitablement entre les deux sexes.
Le parlement japonais, contrairement aux instances dirigeantes de beaucoup de pays, est encore largement majoritairement composé d’hommes. Il s’agit d’un véritable problème pour un pays aussi avancé que le Japon, qui ne semble pas sur la voie d’une réorganisation diplomatique. Les Nations unies, elles, visent à atteindre la parité entre les sexes pour l’ensemble de leur personnel d’ici 2028.
Face aux écarts de genre, Nakamitsu a encouragé les femmes japonaises à songer sérieusement aux opportunités qui s’offrent à elles à l’étranger, si elles ne sont pas satisfaites. Si le Japon est à la traîne dans la lutte pour l’égalité des femmes au niveau international, elle a salué la décision récente du ministre japonais de l’environnement, Shinjiro Koizumi, de prendre un congé parental suite à la naissance de son premier enfant. Au Japon, il s’agissait d’une première, ce qui pourrait bien bouleverser les mœurs…
La situation au Japon, en statistiques
Les femmes japonaises sont parmi les plus instruites au monde et aspirent plus que jamais à participer à l’économie et à la politique japonaises. Le Japon n’est classé qu’à la 110e place sur 149 pays dans le rapport du Forum économique mondial sur l’écart entre les sexes.
Parmi les pays développés de l’OCDE, le Japon occupe le troisième rang pour ce qui est de l’écart salarial entre hommes et femmes, soit la différence entre les salaires médians masculins et féminins, devant l’Estonie et la Corée. Enfin, seulement 13 % des femmes japonaises occupent des fonctions « de direction », soit le second écart le plus faible de l’OCDE, après la Corée du Sud.
Quand le trucage des examens d’entrée à l’Université (Université de médecine de Tokyo, Université de Juntendo et Université de Kitasato) a éclaté au grand jour en 2018, cela a mis en évidence les préjugés sexistes profondément enracinés au Japon. En effet, beaucoup de gens pensent que les femmes quitteront la profession (ici médicale) une fois mariées ou mères de famille. Certains professeurs d’université partent du principe que les candidates abandonneront par la suite, ce qui justifie prétendument de leur refuser des opportunités. Cette situation a pour effet de priver les jeunes femmes de possibilités de carrière susceptibles de transformer leur vie, mais constitue également une profonde lacune du système éducatif du pays.
Malheureusement, il n’y a pas que les hommes qui ont ces convictions traditionnelles. Selon une étude de la NHK menée sur le recrutement des femmes médecins, plus de 65 % des personnes interrogées – des femmes médecins pour la plupart – approuvent la pratique des universités en matière de discrimination sexuelle lors des examens d’entrée.