L’île japonaise abandonnée de Hashima

L’île, connue sous le nom de Hashima, ou encore surnommée l’ile de Gunkanjima (signifiant « cuirassé », en raison de son apparence) se trouve à environ 8 kilomètres des côtes japonaises dans la mer de Chine orientale. Effrayante de par son apparence et son atmosphère actuelle, elle n’a pas toujours été un endroit désolé et étouffant. Vide d’habitant, mais chargée d’histoire, FuransuJapon vous propose de revenir sur son vécu, depuis le début de son exploitation jusqu’à nos jours.

Une exploitation rapide de l’île de Hashima

Il faut remonter à la fin des années 1880 pour voir le début d’une activité humaine sur la petite ile de 6.3 hectares. En effet, à cette période-là les recherches pour trouver du charbon, principale énergie de l’époque, s’intensifient dans le monde et en Asie. Le Japon, n’étant pas un pays bien pourvu en matières rares et fossiles, décide de sonder ses îles, et décèle à cet emplacement une quantité non négligeable de charbon. Très vite exploitée, c’est l’entreprise Mitsubishi qui s’occupe des premières fouilles, tout en prenant soin d’acheminer des mineurs depuis Nagasaki, ville située à 15 km.

Mais très vite, ces procédures d’aller-retour de la masse de travailleurs représentent un cout trop important pour l’entreprise. L’acheminement de bateaux et les frais occasionnés poussent les principaux dirigeants de l’exploitation à prendre une décision cruciale : la construction d’habitats. C’est précisément en 1916 que la société construit le premier grand bâtiment japonais en béton armé (un immeuble d’appartements de mineurs de 7 étages). Ainsi, des immeubles en béton géants à plusieurs étages commencent à sortir de terre, mais également des écoles, des temples, restaurants et même un cimetière. Pour le divertissement, un club-house, un cinéma, des salles de bains communes, une piscine, des jardins sur le toit, des magasins et un salon de pachinko ont été construits pour les mineurs et leurs familles.

L’île de Hashima est très petite en termes de surface, avec des dimensions proches d’un terrain de football. Ainsi, quand la barre des 5000 habitants a été dépassé, elle a fait de l’endroit un des lieux les plus densément peuplé de la planète. En 1959, la population de l’île, qui s’étend sur 6,3 hectares, culminait à 5 259 habitants, avec une densité de population de 835 habitants par hectare (83 500 habitants / km. Aujourd’hui, les historiens du Japon considère l’exploitation de cette ile comme un symbole éloquent de la rapide industrialisation du Japon.

Hashima, époque Meiji, carte postale ancienne teintée à la main, fait à Nagasaki

Des réserves qui s’amenuisent, et la Seconde Guerre mondiale

L’exploitation de l’île de Hashima s’étend de 1887 à 1974. Durant cette période de presque un siècle, les réserves se sont amenuisées au fur et à mesure, et l’intérêt des Japonais pour l’ile également. Aujourd’hui, beaucoup de personnes refusent de parler de cette île, changent de sujet, ou ne vous répondent tout simplement pas. Pour certain c’est un tabou pour de multiples raisons, pour d’autres un souvenir que l’on préférerait effacer. Cependant, il ne faut pas réduire son histoire à cette seule courbe négative de réserves qui ont tout simplement atteint leur minimale, comme on peut le voir pour toutes les réserves fossiles du monde.

Tout d’abord, il faut savoir que des réserves sont encore disponibles mais bien trop en profondeur pour valoir le cout. Également, le pétrole a depuis remplacé le charbon comme énergie première, et c’était déjà le cas lors des dernières décennies de l’exploitation. Une fois la mine fermée, la population est partie, et sa densité est actuellement de 0. À partir des années 1930 et jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, des civils conscrits et des prisonniers de guerre chinois ont été contraints de travailler dans des conditions très difficiles et de subir des traitements brutaux dans l’installation de Mitsubishi en tant que travailleurs forcés, dans le cadre de la politique de mobilisation japonaise adoptée pendant la guerre. Au cours de cette période, on estime qu’environ 1 300 de ces travailleurs recrutés sont morts sur l’île en raison de divers dangers, notamment des accidents souterrains, l’épuisement et la malnutrition.

Mitsubishi a officiellement fermé la mine en janvier 1974 et l’île a été nettoyée en avril.

Restes de la mine

Un renouveau avec le tourisme

Malgré l’engouement du public, l’héritage de l’île demeure une énigme. Les historiens travaillant sur l’histoire de l’île s’affrontent pour parler de sa mémoire : devrait-elle tourner autour de son rôle dans la révolution industrielle japonaise ou plutôt pour rappeler les travailleurs forcés qui ont dû endurer des conditions atroces ? Même après que la population soit tombée à zéro, Mitsubishi a conservé la propriété de l’île. En 2002, ils l’ont transféré à la ville de Takashima. Actuellement, la ville de Nagasaki, qui a absorbé la ville de Takashima en 2005, exerce sa juridiction sur l’île.

Après la restauration des murs effondrés, l’île et ses complexes de logements non perturbés ont été ouverts au tourisme en 2009. Certains des anciens résidents ont pu y retourner pour la première fois depuis leur départ. La configuration unique de l’île, notamment la densité de bâtiments encombrés ayant subi une érosion causée par l’eau de mer corrosive, en a fait une destination prisée. Nommée site historique du patrimoine mondial par l’UNESCO en 2015, vous pourrez vous y rendre contre quelques centaines de yens si vous le souhaitez. En 2009, les autorités sud-coréennes se sont d’abord opposées à la demande du Japon d’inclure l’île de Hashima, avec 22 autres sites industriels, sur la liste des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO, au motif que des travailleurs coréens et chinois étaient utilisés sur l’île avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. La Corée du Nord avait également critiqué la candidature en raison de ce problème.

Une semaine avant le début de la 39e réunion du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO à Bonn, Allemagne, la Corée du Sud et le Japon sont parvenus à un accord selon lequel le Japon inclurait le recours au travail forcé dans les explications présentes dans les installations à visiter. Les deux pays coopéreraient ainsi pour approuver mutuellement les candidats au site du patrimoine mondial. En juillet 2015, lors de la réunion au Centre du patrimoine mondial, la Corée du Sud a retiré son opposition après que le Japon ait affirmé que cette question était reconnue comme faisant partie de l’histoire de l’île. Il notait notamment qu’« un grand nombre de Coréens et d’autres personnes ont été amenés contre leur volonté et forcés.« 

Le tourisme de l’île est en plein essor. Il est rapporté qu’en 2011, plus de 300 000 personnes ont suivi la visite guidée de l’île. Attention, elle se limite à un circuit bien délimité, et vous ne pourrez pas explorer librement les lieux. Cela dit, si l’envie vous prend, compter environ trois heures pour la visite au total, qui comprend une heure seulement sur l’île de Hashima. Pour y accéder, rendez-vous dans l’une des agences touristiques de Nagasaki. Ensuite, vous devrez vous rendre aux arrêts Nagasaki Port Ferry Terminal / Tokiwa Terminal, pour vous rendre sur l’île. Ils sont accessibles par le tramway d’ohato et Ourakaikandori, sur la ligne 1.

Cela dit, il est désormais possible de se perdre dans les ruines de ce sinistre lieu avec Google Street View ! Pour cela, vous n’avez qu’à cliquer sur ce lien, et profiter de la technologie directement depuis votre canapé. Bien sûr, cela ne remplace pas une véritable expérience, et cela donne un bon aperçu, surtout en ces temps de limitation touristique avec la pandémie de coronavirus.  Enfin, peut-être l’avez-vous reconnu, mais c’est cette île qui a servi de décor pour le célèbre film Skyfall de James Bond.

Photo de l’île en 2009 / Crédit : Wikipedia – Hisagi

 

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