Otaku : définition et présentation de ces passionnés ultimes

Cosplay d'une Japonaise

Otaku est un terme japonais qui désigne une personne qui consacre la plupart de son temps à une activité donnée, à un hobby. La plupart du temps, il s’agit des dessins animés, des mangas, des jeux vidéo ou des ordinateurs. Le terme existe depuis plusieurs décennies, mais son utilisation contemporaine trouve son origine dans un essai de 1983 d’Akio Nakamori. Le mot otaku est souvent employé de façon péjorative, puisque la population nipponne témoigne encore d’une vision stéréotypée des otaku en tant que parias sociaux.

Selon une étude parue en 2013, le terme serait toutefois de moins en moins négatif à mesure que les années passent. Au Japon, un nombre croissant de personnes s’identifie d’ailleurs comme otaku et l’assume entièrement. Cela est aussi vrai dans le reste du monde, bien que la définition du terme soit souvent galvaudée. Sur 137 734 adolescents interrogés au Japon en 2013, plus de 42 % vont se déterminer comme otaku (d’une chose, d’un thème en particulier). En 2005, il est estimé que l’impact économique de l’otaku (au sens large) se chiffre à 2000 milliards de yens, soit environ 13,88 milliards d’euros.

Aujourd’hui, les chercheurs n’hésitent pas à parler d’une « sous-culture otaku » qui serait majoritairement véhiculée par diverses œuvres d’animes et de mangas. On trouve tout un tas de documentaires, d’études universitaires et de parutions sur ces personnes dévouées. Il faut dire que le phénomène est relativement récent, puisqu’il a démarré dans les années 1980. Sa naissance a donc correspondu avec le boom de l’animation nipponne qui s’exportait à travers le monde. La culture otaku s’est par la suite développée en même temps que l’expansion d’Internet et des médias, à mesure que de plus en plus d’animes, d’émissions télévisées, de bandes dessinées et de jeux vidéo étaient produits.

Usage moderne

Aujourd’hui au Japon, le mot otaku est principalement équivalent à « geek » ou « nerd ». On peut aussi l’appliquer à n’importe quel fan très impliqué d’un thème, d’un passe-temps, d’une forme de divertissement ou d’un sujet en particulier. Quand une personne est qualifiée d’otaku au Japon, elle est souvent jugée pour son comportement. Elle a longtemps été perçue comme un individu incapable de se rapporter à la réalité. Il y a donc cette idée qu’une obsession extrême vous pousse à négliger votre vie sociale, ce qui n’est clairement pas très flatteur.

Surtout, le Japon met un accent sur la réussite du groupe, de la société ou de la nation. L’otaku est mal vu, car il est perçu comme un être peu sociable et renfermé, qui va se couper du monde. Il ne va donc pas contribuer à l’intérêt collectif. Il apparaît dès lors comme un genre de rebelle qui marche à reculons. Heureusement, l’influence occidentale aidant, l’otaku au Japon est de mieux en mieux perçu.

Des Japonaises qui dansent dans la rue au Japon, probablement des otaku

On le rattache désormais à un passionné très impliqué. Dans certains cas seulement, il peut virer à l’extrême au point d’être considéré par les plus conservateurs comme un parasite de la société. C’est pourquoi d’autres formules ont été inventées pour qualifier les cas les plus préoccupants : un maniaque malsain est nommé Kimo-ota, tandis qu’un antisocial est un Hikikomori.

La formule otaku s’est largement répandue dans les communautés de fans d’animation japonaise aux États-Unis et en Europe, et notamment en France. Le mot est donc un emprunt de la langue japonaise, qui est souvent appliqué aux passionnés de jeux vidéo, de mangas ou d’animes. Le qualificatif n’a pas de sens péjoratif en France, du moins dans la bouche de ceux qui l’emploient. Attention, il ne faut pas confondre les termes weeb et otaku.

Étymologie

Afin de bien saisir le sens de la formule otaku, il convient de la décrypter. L’expression n’avait pas le sens qu’on lui donne aujourd’hui, à l’origine. C’est pourquoi il existe, au Japon, deux grands sens pour le vocable « otaku ». On les prononce de la même façon, mais on ne les écrit pas de la même manière. Il y a d’abord お宅, otaku (chez vous), et le passionné monomaniaque que l’on écrit en hiragana (お た く) et en katakana (オ タ ク ou, moins fréquemment, ヲ タ ク).

Sens historique (1960 – 1980)

Le mot otaku est dérivé d’un terme japonais désignant la maison ou la famille d’une autre personne. Le « o » est un préfixe honorifique et « taku » signifie « maison » ou « chez-soi ». Ainsi, le premier sens d’otaku, c’est d’abord un pronom ! Le mot peut donc être utilisé métaphoriquement dans le cadre d’un discours honorifique en japonais en tant que pronom à la deuxième personne (votre maison). Il s’agit donc d’une façon polie de vouvoyer son interlocuteur.

Sa traduction littérale peut ainsi être « vous » dans cet usage précis. Le terme est souvent associé à certains dialectes du japonais occidental et aux femmes au foyer. Il est cependant moins direct, plus distant que les pronoms intimes comme « anata », « kimi » ou « omae ».

Dame japonaise s'inclinant devant sa maison avec un beau kimono

Mais alors, pourquoi cela a-t-il été repris par les fans d’animation et de mangas pour l’incorporer dans leur jargon ? Son origine n’est pas claire, mais nous savons qu’elle date d’avant les années 1980. Il apparaît que ce sont d’abord les fans de science-fiction qui ont utilisé le mot otaku au Japon pour s’adresser aux propriétaires de livres à la fin des années 1960. Le sens était « est-ce que votre maison possède ce livre ? ».

Une autre théorie voudrait que le mot otaku ait été popularisé comme pronom par plusieurs fans du studio d’animation Gainax. Certains des fondateurs venaient de la préfecture de Tottori dans l’ouest du Japon (où la formule « otaku » est couramment utilisée).

Le pronom est aussi apparu dans l’anime Macross, qui a été diffusé pour la première fois en 1982. Les personnages de Hikaru Ichiyo et Lynn Minmay s’appellent otaku jusqu’à ce qu’ils apprennent à mieux se connaître.

Sens moderne (1980 – 2022)

Lorsqu’on prononce otaku en France, on ne fait pas du tout référence à cette première signification historique de pronom personnel. On parle plutôt d’une personne passionnée, notamment par le secteur de l’animation nipponne. Au Japon, il faut bien comprendre que c’est une forme d’argot moderne, qui se distingue tout à fait de l’usage plus ancien. Il n’est pas écrit de la même façon, comme nous l’avons indiqué précédemment.

Ce deuxième sens a émergé pour la première fois dans le discours public dans les années 1980. Il a été popularisé à travers l’œuvre de l’humoriste et essayiste Akio Nakamori. Avec la série de 1983 « Otaku Research », il a appliqué le terme comme péjoratif pour des fans jugés trop désagréables (à vivre, à supporter, etc.). Il voulait s’en prendre à leur supposé mauvais sens de la mode et à leur apparence physique, en particulier.

Akio Nakamori
Akio Nakamori

Puis, en 1989, vient l’affaire de Tsutomu Miyazaki. Ce tueur en série est vite surnommé le « Meurtrier Otaku », au Japon. L’affaire fait la une de tous les médias nationaux et propulse le terme Otaku sur le devant de la scène, de façon très négative. Miyazaki est un homme qui a choisi et assassiné au hasard quatre filles au Japon. Son surnom vient du fait qu’il avait chez lui une collection de 5763 bandes vidéo, avec une bonne partie de séries d’animation. Certains de ces médias ont été trouvés entrecoupés de vidéos et de photos de ses victimes.

Tsutomu Miyazaki
Tsutomu Miyazaki

Un peu plus tard en 1989, le magazine de connaissance contemporaine Bessatsu Takarajima fait publier son 104e numéro au sujet de la culture « otaku ». Le magazine prend le sobriquet de « Otaku no Hon », littéralement « Le livre d’Otaku ». Il s’agit d’une analyse poussée de la sous-culture otaku de l’époque. Pas moins de 19 articles sont déployés avec des auteurs variés, dont Akio Nakamori que nous avons évoqué un peu plus haut. Cette publication est souvent revendiquée comme celle qui a réussi à populariser le terme dans l’opinion publique.

Traditionnellement, l’otaku japonais a été considéré, entre les années 1990 et 2010, comme une personne peu enviable. On l’étiquetait comme un individu introverti qui sortait peu de son logement. Il y avait cette notion, souvent erronée, de personne antisociale et même perverse. C’était la honte de côtoyer un otaku, à l’époque. Il suffit de regarder les animes produits à cette époque pour s’en rendre compte. Nous ne sommes pas très loin du stéréotype du geek américain, en surpoids et boutonneux, qui repousse tout le monde dans les nanars du siècle passé…

Heureusement, le statut d’otaku est aujourd’hui beaucoup mieux perçu par les Nippons. Cela s’explique surtout via l’appropriation du terme par les Occidentaux. Les Japonais se sont aperçus que le terme otaku est employé de façon banale par les communautés entières de passionnés en France, en Amérique du Sud ou dans le reste du monde. La dimension péjorative du qualificatif otaku n’est plus en vigueur aujourd’hui au Japon, du moins chez la majorité des personnes.

Deux otaku dans une convention manga, en train de regarder un livre

Surtout, cela fait la belle affaire des marchands, des entreprises et des producteurs. Ces geeks et ces passionnés représentent une cible marketing de choix. On vise notamment les voyageurs japonais, mais aussi les internationaux. Il est tout à fait possible de commander des figurines japonaises depuis le Japon vers la France, puisque des services de proxy, de facturations et d’envois postaux sont désormais disponibles.

Aujourd’hui, des activités spécifiques sont même élaborées presque sur mesure pour toutes les passions qui existent. On peut se balader dans les quartiers électroniques comme Akihabara. Il est possible de déambuler dans les boutiques, on peut faire du shopping dans les magasins de produits dérivés (il en existe des milliers au Japon, sur toutes les thématiques) ou encore manger dans des restaurants à thème. Il ne faut pas oublier tous les événements de cosplay, la mise en route de nouveaux trains (ou les commémorations d’anciennes voitures qui attirent des foules). Bref, avoir une passion est devenue la mode au Japon, et les gens se regroupent volontiers entre communautés pour partager un moment de détente.

Classifications

Ce n’est certes pas le cas en Occident, mais au Japon, on précise très souvent, voire toujours, l’objet de sa passion lorsque l’on emploie l’expression otaku. C’est ainsi qu’un fan d’animes devient un anime otaku (parfois abrégé en « aniota »). De même, un fan d’idol est un « wota ».

Le Nomura Research Institute (NRI) a réalisé deux études majeures afin de déterminer plusieurs genres ou domaines d’intérêt. La première étude a été menée en 2004, puis a été révisée dans une seconde en 2005 avec une définition plus précise. Celle-ci définit environ 12 grands domaines d’intérêt pour les otaku. Les mangas sont évidemment les plus majeurs avec approximativement 350 000 individus et un marché estimé à plus de 83 milliards de yens.

Mais au Japon, l’otaku ne se réduit pas toujours à cela. L’otaku des idols est le deuxième groupe le plus représenté avec environ 280 000 personnes et 61 milliards de yens. Ensuite, l’otaku des voyages avec 250 000 personnes et 81 milliards de yens. L’otaku des PC est en quatrième position avec 190 000 personnes et 36 milliards de yens. La liste se poursuit avec l’otaku des jeux vidéo (160 000 personnes et 21 milliards de yens), l’otaku des automobiles (140 000 personnes à 54 milliards de yens), l’otaku de l’animation (110 000 personnes et 20 milliards de yens), l’otaku de l’informatique (70 000 personnes et 8 milliards de yens), l’otaku de l’équipement visuel (60 000 personnes et 12 milliards de yens), l’otaku des caméras (50 000 personnes et 18 milliards de yens), l’otaku de la fashion (40 000 personnes et 13 milliards de yens) et enfin les otaku ferroviaires (20 000 personnes et 4 milliards de yens).

Il y a donc énormément de diversités !

Un otaku des trains au Japon
Un otaku des trains au Japon, en action / Source : Wikipédia

Ce n’est pas tout, puisque l’étude de 2005 du NRI analyse cinq archétypes d’otaku :

  1. Otaku axé sur la famille : il a de larges intérêts et est considéré comme plus mature que les autres otaku. Son objet d’intérêt reste secret, si bien qu’il est parfois surnommé « otaku du placard » ;
  2. Otaku sérieux : il veut laisser sa propre marque sur le monde. Il a des intérêts dans les domaines de la mécanique, dans les disciplines scientifiques et commerciales ;
  3. Otaku « à intérêts multiples et sensibles aux médias » : il a des intérêts partagés avec d’autres, mais reste assez mystérieux. Il ne fait qu’un avec l’actualité ;
  4. Otaku extraverti et affirmé : il aime gagner en reconnaissance en faisant la promotion de son passe-temps auprès des autres ;
  5. Otaku obsédé par les magazines de fans : il s’agit principalement de femmes, bien qu’il existe un petit groupe d’hommes affiliés. Son passe-temps secret est axé sur la production ou l’intérêt pour les œuvres des fans. Cela peut aussi s’appliquer aux publications amateurs et/ou indépendantes.
Itaru Hashida (Steins Gate)
Itaru Hashida (Steins Gate), stéréotype typique de l'otaku dans les années 2000

Cependant, les passions, les productions, les genres, les revendications, les divertissements, tout évolue très rapidement au Japon. Ne perdons pas de vue que cette étude est bientôt vieille de plus de deux décennies. Il faut donc mettre des pincettes avec les conclusions qui sont tirées. De nombreux chercheurs ont essayé de dépoussiérer les conclusions en apportant d’autres classifications d’intérêts.

Les cosplay, les vocaloid, les collectionneurs de figurines, les passionnés de la lutte professionnelle, voici autant de nouveaux hobbys qui rassemblent des communautés nombreuses. Elles pourraient tout à fait être qualifiées d’otaku. Le Yano Research est un organisme qui rapporte et qui suit la croissance de ce marché ainsi que l’ensemble des tendances dans les secteurs fortement influencés par le consumérisme otaku. En 2012, il a par exemple été noté qu’il y avait environ 30 % de croissance dans les otaku de simulation de rencontres et des jeux en ligne. Les autres secteurs comme le cosplay, le service de femme de chambre ou encore les vocaloid étaient aussi en progression de plus de 10 % par année.

Comment devenir ou reconnaître un otaku ?

Il existe plusieurs critères pour définir un otaku, que ce soit en France ou au Japon. Attention, il n’y a aucune obligation de cocher tous les éléments que nous allons citer ci-dessous. Dans certains cas, on peut se définir soi-même comme un otaku et ne répondre qu’à la moitié de la liste.

Premièrement, un otaku est un passionné d’un milieu, d’un aspect, d’un domaine, d’une technologie ou d’une activité précise. Cela peut-être les trains, les comédiens de doublage japonais, les mangas ou les avions. On ingurgite tout un tas de contenus sur son hobby, si bien que l’on devient incollable dans son domaine. Cela est logique, puisqu’on va consacrer la majeure partie de son temps à son activité favorite. Souvent, un otaku est au fait de l’actualité sur ce qui lui plaît, et il est bien renseigné.

Deuxièmement, un otaku ne sort pas beaucoup. Du moins, dans certains cas. Cet argument n’est par exemple pas valable pour un otaku des trains, qui va certes étudier toutes les innovations depuis son domicile, mais qui va souvent se déplacer dans les gares afin de prendre des photos, réaliser des mesures ou simplement observer ce qui l’obsède. Pour les autres communautés d’otaku, il est possible de sortir et de se rassembler dans des conventions comme la Japan Expo, pour le cas de la France.

Représentation d'un otaku fan de J-pop au Japon

Troisièmement, un otaku fait partie d’une communauté. Il agit rarement seul, et aime discuter dans des groupes Facebook, des forums (comme Reddit), sur Twitter ou sur Discord. Il va vite s’entourer de personnes qui lui ressemblent, qui sont aussi passionnées que lui sur une thématique précise. Les otaku sont en général des personnes sociables avec lesquelles il est facile de discuter, du moment que l’on possède des connaissances en commun. Certains sont plus pédagogues que d’autres et n’hésitent pas à vous présenter les choses selon leur propre point de vue.

Enfin, un otaku est infatigable. Il est parfois obnubilé par sa passion au point qu’elle éclipse d’autres aspects fondamentaux d’une vie ordinaire. Certains la font passer avant leur vie professionnelle, sentimentale ou sociale. D’autres, plus extrêmes, vont même tomber amoureux d’un personnage fictif, se marier avec une figurine ou investir des milliers d’euros dans un vocaloid. Mais heureusement, le plus souvent, nous rencontrons de simples passionnés qui sont très investis.

Nous pourrions continuer cette liste avec des clichés, qui ne sont que peu flatteurs et applicables dans la réalité. Par exemple, beaucoup de Français vous diront que les otaku sont des personnes bizarres, en marge de la société. C’est tout simplement faux, il s’agit plutôt d’une idée reçue que beaucoup se forgent en l’absence de connaissances et de contact avec ces communautés. Les otaku ne collectionnent pas forcément des figurines, des goodies, des marchandises. On peut être passionné sans dépenser (parfois, sans en avoir la capacité financière).

Nous vous remercions (et félicitons) d’avoir lu l’article jusqu’à la fin. Si vous l’avez apprécié, vous pouvez nous aider en le partageant autour de vous, sur vos blogs personnels ou sur d’autres plates-formes. N’hésitez pas à nous suivre sur les réseaux sociaux, notamment Twitter, Facebook et Instagram.

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