Obon (お盆) est un événement bouddhiste annuel pour commémorer les ancêtres. Il prend place du 13 au 16 août dans la plupart des préfectures nipponnes. La coutume veut que les âmes des défunts retournent dans le monde pour rendre visite à leurs proches, une fois par an. Les Japonais accrochent diverses lanternes devant leur demeure afin de guider les esprits des prédécesseurs. Les autres traditions sont des danses (bon odori), le lancer de lanternes flottantes dans les rivières ou les offrandes dans les temples et les autels des maisons.
Obon, qui est occasionnellement orthographié O-bon, Ura bon ou Bon, est une pratique confucéenne et bouddhiste très populaire. Elle est commémorée au pays du soleil levant depuis plus de 500 ans. Les trois journées de célébrations ne sont pas considérées comme des jours fériés. Toutefois, nombreuses sont les entreprises qui laissent leurs salariés prendre des congés à ce moment de l’année.
Les différents calendriers de Obon
Obon est une célébration qui intervient autour du 15e jour du septième mois de l’année selon le calendrier lunaire traditionnel. Le Japon a cependant adopté le calendrier grégorien au début de l’ère Meiji. Les deux formules ne définissaient pas une année de la même approche. Les Japonais ont alors dû réviser leur organisation pour se calquer sur l’Occident. Cela s’est traduit en la suppression de 29 jours, essentiellement de décembre. Les localités au Japon ont réagi différemment à cette nouveauté. C’est pour cela que l’on trouve à présent trois dates distinctes pour célébrer Obon :
- Shichigatsu Bon (autour du 15 juillet dans l’est du Japon, basé sur le calendrier solaire) ;
- Bon Hachigatsu (autour du 15 août, basé sur le calendrier lunaire) ;
- Kyū Bon (le 15e jour du neuvième mois du calendrier lunaire, soit entre le 8 août et le 7 septembre).
Il arrive que le hasard du planning rassemble les Japonais. En 2008 et 2019, les calendriers solaires et lunaires ont été appariés. Les Hachigatsu Bon et Kyū Bon ont été fêtés le même jour. Si la célébration d’origine chinoise se tient sur une poignée de jours, Obon s’étend sur presque un mois dans certains cas.
Le pic de la saison des voyages d’Obon en 2022 est prévu entre le 6 et le 21 août. Les jours les plus chargés seront le 11, 12 et 13 août : les résidents des principales agglomérations nipponnes prendront la route et croiseront celles et ceux sur le chemin du retour.
Les personnes qui commémorent la fête en plein mois d’août sont nombreuses. On considère qu’il s’agit de l’une des trois périodes de vacances les plus plébiscitées au Japon (avec le Nouvel An et la Golden Week). Les prix des transports en commun comme le train et l’avion grimpent en flèche. Les réservations des hôtels sont très contestées et on vous recommande de retirer de l’argent aux distributeurs en amont.
Une origine fantastique
Obon est une festivité inspirée de la fête chinoise des fantômes Yúlánpén (盂蘭盆). Celle-ci était elle-même basée sur la célébration taoïste Zhongyuan (中元). La tradition tire son origine de l’histoire de Mokuren (ou Maha Maudgalyayana), un disciple de bouddha. Il a utilisé ses pouvoirs surnaturels pour observer sa mère décédée. En découvrant qu’elle est tombée dans le royaume des fantômes affamés et qu’elle souffrait, il est allé voir Bouddha pour le délivrer. On lui répondit qu’il fallait présenter des dons aux nombreux moines bouddhistes qui venaient de terminer leur retraite, le 15e jour du septième mois (selon le calendrier du moment).
Mokuren parvient à faire libérer sa maman en multipliant les offrandes. Le fidèle danse de joie quand il réalise que sa mère est dispensée de la douleur éternelle. La chorégraphie typique Bon odori (盆踊り, la « danse du bon ») proviendrait de ce moment précis. On considère que cela s’est déroulé à l’époque de Muromachi, entre 1336 et 1573.
Actuellement, presque chaque province japonaise possède une danse locale. Elles sont associées avec une musique différente. Cela peut être des mélodies pertinentes et douces pour un message spirituel, ou bien des sonorités min’yo (民謡). Les rythmes, les accents et l’ambiance ne sont jamais similaires. C’est pour cette raison que l’on vous encourage à célébrer Obon dans plusieurs contrées distinctes du Japon !
Certaines danses ont un lien évident avec la région où elles sont exécutées. C’est le cas de la chorégraphie Tanko Bushi, littéralement « la chanson des mines de charbon ». Les figurants imitent le mouvement des mineurs en creusant de leurs bras. D’autres gestes font référence à l’ancienne mine Miike à Kyushu : on suspend une lanterne, on pousse une charrette, on tire des poids.
Il y a tout de même une constante entre chaque préfecture : la danse s’effectue souvent avec des individus alignés en cercle autour d’un haut échafaudage en bois spécialement imaginé pour le festival. On nomme ce dernier le yagura. On s’adonne à certaines chorégraphies dans le sens des aiguilles d’une montre. Le contraire survient également. Il arrive que les deux se mélangent et s’inversent en plein évènement ! Il existe aussi des danses moins complexes où les personnes sont disposées en ligne droite dans les rues de la ville. C’est le cas pour Kagoshima Ohara et Tokushima Awa Odori.
Guider les morts pendant Obon
Les festivités d’Obon aident à guider les âmes des morts pendant la journée. Cette phase se fonde sur la croyance que les esprits et les cœurs des êtres chers peuvent revenir explorer le monde des vivants. Chacun essaie à sa façon de fournir sa contribution pour soulager le fardeau des aïeux. On embrase à l’occasion plusieurs lanternes devant chaque maison. Certaines sont conçues par des spécialistes quand d’autres préfèrent une procédure artisanale. Des exemples de lampadaires très sophistiqués sont régulièrement publiés sur les réseaux sociaux.
La nourriture occupe une place prépondérante dans le rituel de l’offrande. On apporte des gâteaux, des fleurs, des fruits, du riz ou des légumes pour les ancêtres. On partage un dernier repas avec les disparus. La portée religieuse de la festivité n’entrave pas les Japonais de se rassembler dans une atmosphère euphorique. Certains profitent de ces congés pour se retrouver en famille.
Cela renvoie au Segaki (施餓鬼), un rituel du bouddhisme japonais qui tend à offrir de la nourriture aux fantômes affamés. Il peut se pratiquer à tout moment de l’année, mais il est surtout populaire en août. Le rite se déroule dans les temples bouddhistes. Bien des Japonais et même des étrangers se portent volontaires.
Célébrer les ancêtres et les remercier a posteriori se reflète également par un passage sur les lieux de sépulture. Les Japonais nettoient avec minutie les pierres tombales de leur famille. Certains y greffent de nouvelles contributions, comme des bouquets de fleurs ou des portraits photo. C’est un rendez-vous pour beaucoup de foyers : des louches d’eau et autres ustensiles sont souvent fournis par le cimetière. S’il s’agit de l’année de la mort d’un proche, on parle de Hatsu bon. Il est alors courant d’organiser des commémorations additionnelles.
À la fin de la période d’Obon, on éteint les feux et les lanternes qui avaient été allumées pour l’occasion. Le geste notifie la volonté des vivants de renvoyer les esprits chez eux. Il arrive aussi que des lanternes de papier soient lâchées sur l’eau (fleuve et océan). C’est ce qu’on nomme Toro Nagashi (灯籠流し). On les illumine avec une bougie qui est supposée incarner l’un des ancêtres. Les Japonais apprécient les contempler s’éloigner pendant de lentes minutes. Le spectacle est parfois saisissant dans la pénombre.
De plus en plus de préfectures ponctuent désormais cette époque folklorique par un feu d’artifice. Rappelons que nous sommes en plein milieu de l’été et que les Japonais raffolent de ces illuminations nocturnes. C’est une période particulièrement poignante pour de nombreux foyers qui se rassemblent, ou des couples naissants. Chacun vêtit son plus beau yukata ou un kimono en coton léger…