Peut-être connaissez-vous les hôtels capsules, ces curiosités japonaises qui vous proposent une chambre très compacte pour un prix – normalement – moindre. La Capsule Tower de Tokyo en est l’un des exemples les plus emblématiques de la capitale japonaise. Mais elle pourrait bien disparaître dans les prochains mois.
La Capsule Tower de Tokyo, c'est quoi ?
La Nakagin Capsule Tower est un immeuble à usage résidentiel, mais qui sert aussi de bureau dans le quartier de Shimbashi, à Tokyo. Il a été dessiné par l’architecte Kisho Kurokawa, et est sorti de terre à partir de 1970, pour une commercialisation en mars 1972.
Ce bâtiment de 13 étages et de plus de 3000 m² de plancher est en réalité constitué de deux tours en béton armé. Sa particularité, c’est d’accueillir, ou plutôt d’y imbriquer les modules préfabriqués que l’on appelle capsule. Ces ajouts, mesurant chacun 2,3 m x 3,8 m x 2,1 m sont des petites chambres, véritables des espaces de vie. Ils peuvent également servir d’espace de travail.
En voyant ce bâtiment singulier, les réactions sont différentes suivant les personnes. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’il s’agit d’une curiosité architecturale qui attire encore aujourd’hui des admirateurs du monde entier. L’empilement asymétrique de boîtes en béton identique est l’un des seuls exemples de la capitale du mouvement architectural du métabolisme.
Initialement, le bâtiment devait représenter la renaissance économique et culturelle du Japon d’après-guerre.
À quoi ressemble une chambre capsule ?
Cet immeuble à usage résidentiel comporte 140 capsules préfabriquées qui sont autonomes. Elles étaient initialement destinées aux voyageurs d’affaires qui voulaient éviter les longs trajets en semaine vers leur maison de banlieue, et qui pouvaient ainsi séjourner directement dans la capitale.
Chacune d’entre elles offre une surface de 10 m². À l’intérieur, on y trouve une salle de bains ainsi que plusieurs objets électroniques. À l’origine, il s’agissait d’un téléviseur Sony Trinitron, une radiocassette, d’un téléphone à cadran ainsi que d’une grande fenêtre circulaire.
Pourquoi le bâtiment pourrait être démoli ?
Kurokawa, l’architecte à l’origine du bâtiment, est décédé en 2007. En construisant le bâtiment et en imaginant les capsules, son souhait était de les remplacer tous les quarts de siècle. Mais en 2021, le temps a largement rattrapé la structure. Aujourd’hui, il est impossible de mettre en route les plans de retrait de remplacement de la structure, car cela soulève de nombreux défis logistiques ainsi que des préoccupations sanitaires : comme de nombreuses constructions de cette époque, l’amiante a été énormément utilisé à l’intérieur du bâtiment.
Le complexe résidentiel ne répond aujourd’hui pas aux réglementations strictes du Japon, notamment en matière de résistance aux catastrophes naturelles et surtout aux tremblements de terre. De plus, les résidents n’ont plus accès à l’eau chaude courante depuis plus d’une décennie.
Presque méconnaissable et rongé par la rouille, une bonne partie est enveloppée d’un filet. Des morceaux de béton menacent de tomber sur les passants. Le complexe résidentiel n’est aujourd’hui plus autant habité qu’autrefois. Il reste encore quelques résidents, qui ont contemplé l’évolution urbaine de Tokyo à travers leurs fenêtres circulaires durant de nombreuses années.
Tatsuyuki Maeda est un représentant du projet de préservation et de régénération du bâtiment de la tour. Il a notamment acheté 15 chambres au cours des 12 dernières années. Cela lui permettra de mettre en œuvre son chantier. À l’origine, il a réfléchi à une stratégie pour préserver Nakagin dans sa forme actuelle. Mais cela est tout simplement impossible, selon lui.
Il a cependant déclaré qu’il souhaitait que les capsules survivent, mais sous une forme différente. L’idée du métabolisme « doit être préservée ». Toutefois, le bâtiment pourrait être démoli dans sa totalité au printemps prochain. Une reconstruction verrait alors le jour, plus ou moins ressemblante.
Que deviendront les capsules dans le futur ?
En détruisant le bâtiment, Tatsuyuki Maeda pourrait bien, paradoxalement, sauver ses capsules sur le long terme. Il faudrait alors entreprendre un chantier pour retirer l’amiante, puis les donner à des musées, des galeries d’art ou des institutions similaires au Japon. Ce n’est certes pas ce que souhaitait l’architecte Kurokawa, mais cela permettrait de ne jamais oublier ce bâtiment somme toute assez emblématique dans le paysage architectural de Tokyo.
D’après les sources du Guardian, il y aurait déjà eu de nombreuses propositions pour des musées en Occident : États-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne, France ou encore Pologne. Maeda en profite pour souligner un décalage entre le Japon et le reste du monde sur la question de l’art : « les Européens comprennent la nécessité de préserver des bâtiments comme celui-ci, alors que le Japon est toujours guidé par une mentalité de démontage et de reconstruction ».
Certains la trouvent fantastique, d’autres horrible. La Nakagin Capsule Tower est cependant sur le point de disparaître du paysage urbain de Tokyo.
Source : The Guardian