L’université de Tokyo avance une étude de grande ampleur menée sur la sexualité au pays du soleil levant. Un quart des Japonais sondés explique n’avoir jamais eu de rapport sexuel. Cette enquête est motivée par le motif démographique du pays, qui s’effondre d’année en année et qui menace désormais la population japonaise. Retour sur cette enquête.
Quels sont les principaux chiffres ?
Régulièrement, les journaux étrangers soulignent une certaine absence de sexualité chez la jeunesse japonaise. Plus conservatrice, plus discrète et surtout très différente moralement et culturellement parlant, elle n’est pas aussi active que chez son pendant occidental. En revanche, la jeunesse japonaise est surtout beaucoup moins active concernant les relations sexuelles. Les chercheurs en santé publique ont démontré, à travers une nouvelle enquête, que les jeunes adultes de l’archipel entrent bien plus tardivement dans la sexualité que leurs homologues à travers le monde.
D’ailleurs, d’après une enquête en 2015, qui avait été mené sur 10 000 personnes, plus d’un trentenaire sur 10 n’a jamais eu de rapport hétérosexuel. L’enquête ne comprenait pas de questions sur les rapports homosexuels, mais on peut imaginer que c’est assez similaire. Comme le titre de l’article l’explicite, si l’on prend uniquement la tranche d’âge 25 – 39 ans, c’est plus d’un quart des sondés qui n’a jamais eu de relations sexuelles à cet âge-là.
Forcément, le ratio est bien plus élevé qu’ailleurs. Par exemple, chez les trentenaires américains, moins de 5 % des personnes interrogées se déclarent vierge à cet âge-là. L’écart est drastique. En revanche, il a été constaté que ce chiffre tend à augmenter, même dans les pays très développés comme l’Amérique, ou l’Angleterre.
Si l’on s’intéresse à la catégorie des 30 – 34 ans, ce sont 12,7 % des Japonais qui n’ont jamais eu de rapport sexuel. À titre de comparaison, en 1987, les anciennes enquêtes donnaient un chiffre de 8,8 %. Chez les femmes, c’est le même combat, puisque le ratio de vierges est désormais de 11,9 %, contre 6,2 %, en 87.
Encore plus inquiétant, cette inactivité sexuelle touche aussi des trentenaires plus âgées, comme les 35 – 39 ans, où quasiment 10 % des hommes, et 8,9 % des femmes déclarent n’avoir jamais eu de rapport hétérosexuel. En 1992, les chiffres étaient respectivement de 5,5 % pour les hommes, et 4 % pour les femmes.
L’impact sur la démographie japonaise
Vous l’aurez compris, depuis une vingtaine d’années, l’inactivité sexuelle touche de plus en plus les Japonais. Tout cela coïncide logiquement avec la chute démographique majeure et d’ampleur qui ravage la population japonaise. Le taux de natalité est effectivement insuffisant pour un pays développé, et la population va perdre de nombreux millions d’ici 2050. Malgré toutes les mesures mises en place par le gouvernement, le taux de natalité n’arrive pas à tellement à se relancer. Les jeunes parents rechignent toujours à faire plus d’un enfant, et le nombre de couples qui ne souhaitent pas d’enfants demeurent très élevé.
Il est important de comprendre que le taux de fécondité n’est que de 1,43 enfant par femme au Japon. Un pays développé qui a besoin de stabiliser une population nécessite un taux minimum de 2,1 enfants par femme. Nous sommes donc très loin d’un renouvellement de population complet, et cela explique en grande partie pourquoi le Japon voit sa démographie chuter en flèche. Pour vous donner des chiffres parlants, l’an dernier, ce sont 921 000 bébés qui sont nés, pour seulement 1,37 millions de décès. Dans quelques années, le Japon va perdre entre 500 000 et 1 millions d’habitants chaque année. Aujourd’hui, la population est de 126 millions d’habitants, et il est estimé par les experts qu’elle chutera à 85 millions en 2050. Fin 2018, c’est près de 35 % de la population qui a plus de 60 ans, et qui aura 90 ans enfin 2048.
Alors pourquoi une entrée si tardive des Japonais dans la sexualité ?
Plusieurs critères sont à mettre dans la balance. L’étude pointe du doigt la corrélation entre les relations sexuelles et la situation financière des individus. Les hommes qui ont un emploi permanent et à temps plein ont beaucoup plus de chances d’avoir des rapports sexuels tôt. C’est l’inverse chez les femmes, celles qui n’ont pas un travail à taux plein ont plus de chance d’avoir eu des relations sexuels. Les chercheurs pensent que cela est dû aux traditions nipponnes, avec le culte de la femme à la maison, qui a donc des rapports sexuels car elle enfante après le mariage puisqu’elle ne travaille plus, et n’a donc pas d’emploi à taux plein.
Enfin, les chercheurs ont également remarqué que beaucoup de personnes âgées de plus de 25 ans qui n’ont jamais eu d’expérience sexuelle ont répondu à la question, tout en précisant espérer se marier. Selon eux, une bonne partie de ces personnes sans passé sexuel peuvent avoir décidé volontairement de ne pas pratiquer d’activités sexuelles avant le mariage.
Pour finir, les scientifiques mettent en garde. Ici, les chiffres se basent sur des données de personnes qui répondent sur leur propre cas et volontairement. Mais l’inactivité sexuelle est également un fléau qui peut toucher des Japonais ayant déjà eu un rapport sexuel par le passé. Ils estiment que, si l’on avait mené une enquête plus approfondie, on pourrait également s’intéresser aux personnes qui n’ont pas eu d’activité sexuelle depuis de multiples années. Le problème étant le même si l’on se place du côté de la démographie japonaise, car elle ne permet pas un renouvellement efficace de la population.