Le Japon a annoncé cette semaine son souhait de se retirer de la Commission baleinière internationale (IWC), l’organe chargé de la conservation de la baleine. Ce dernier est alors considéré comme preuve de la bonne foi quant à la chasse à la baleine, puisque l’organisme avait banni la chasse commerciale en 1986, après que de multiples espèces aient disparues…
Une décision malheureusement attendue
Les Japonais étaient donc officiellement interdits de chasse à la baleine depuis 1986, mais officieusement, elle avait simplement pris un autre nom : « la recherche scientifique ». Sous couvert de revendications scientifiques, le programme visait à perpétuer la chasse à la baleine, et à continuer à servir ce mets sur les tables de restaurant, que ce soit en Chine ou au Japon.
Des responsables japonais, membres de la CBI depuis 1951, affirment que manger des baleines fait partie de la culture du pays. L’annonce de mercredi était globalement attendue, mais les associations de défense de la nature préviennent que cette décision aura de graves conséquences sur plusieurs plans. Dans tous les cas, cela signifie que le Japon sera en mesure de chasser librement les espèces actuellement protégées par la CBI, comme les petits rorquals. Des espèces très fragiles.
Concrètement, quels sont les points importants de cette décision ?
Le porte-parole du gouvernement, Yoshihide Suga, a déclaré que la chasse commerciale à la baleine serait limitée aux eaux territoriales et aux zones économiques japonaises. En pratique donc, le Japon arrêtera de chasser dans les eaux antarctiques et dans l’hémisphère sud.
Pour tenter de se justifier, le gouvernement japonais a déclaré dans un communiqué que la CBI n’était pas assez attachée à l’un de ses objectifs, à savoir soutenir la chasse commerciale à la baleine durable. Le gouvernement accuse notamment la comission de ne se concentrer que sur l’objectif de conservation des chiffres.. !
Historiquement, un certain nombre de communautés côtières au Japon pratiquent la chasse à la baleine depuis des siècles, mais la consommation dans le pays n’a augmenté qu’après la Seconde Guerre mondiale, quand les baleines constituaient la principale source de viande. Depuis, sa consommation a chuté au cours des dernières décennies. Selon le journal japonais Asahi, la viande de baleine ne représente désormais que 0,1 % de toutes les viandes vendues au Japon.
Les réactions à cette décision
Du côté de l’Australie, un pays très proche et globalement concerné par les activités maritimes nippones, c’est dans une déclaration commune que la ministre australienne des Affaires étrangères, Marise Payne, et la ministre de l’Environnement, Melissa Price, se sont déclarées « extrêmement déçues » par la décision du Japon.
« L’Australie reste résolument opposée à toute forme de chasse commerciale à la baleine dite » scientifique »
Avant l’annonce officielle, Nicola Beynon, responsable des campagnes à Humane Society International en Australie, avait d’ailleurs déclaré que le Japon » opérerait complètement en dehors du droit international« .
« C’est la voie empruntée par un pays pirate qui chasse la baleine, avec un mépris troublant pour le régime international. »
Greenpeace, au Japon, a exhorté le gouvernement à reconsidérer sa décision et a averti qu’il risquerait de se faire critiquer, d’autant plus que le Japon se positionne comme le pays hôte du sommet du G20 en juin prochain. La décision est donc des plus impopulaires à l’échelle internationale.
Sam Annesley, directeur général de Greenpeace Japon, a également déclaré :
« Il est clair que le gouvernement tente de dissimuler cette annonce en fin d’année, loin des projecteurs des médias internationaux, mais le monde entier le voit pour ce qu’il est. La déclaration est en décalage par rapport à la communauté internationale, sans parler de la protection nécessaire pour préserver l’avenir de nos océans et de ces créatures majestueuses. »
Voilà pour les principales réactions, se plaçant toutes sur le signe de l’indignation générale. Si l’on regarde du point de vue conservation de l’espèce, toutes ces huées générales sont logiques puisqu’une telle décision bouleverse – une fois de plus – l’équilibre des baleines dans les océans, aujourd’hui encore très fragile.
Aujourd’hui, quelle était l’interdiction en rigueur ?
En 1986, les membres de la CBI ont interdit la chasse à la baleine afin de permettre à l’espèce de se reproduire en nombre, et de redonner un second souffle car nous avions atteint un seuil alarmant. Si le Japon avait accepté, il faut noter qu’à l’époque, les nations favorables à la chasse à la baleine s’attendaient à ce que le moratoire soit temporaire, en attendant qu’un consensus soit trouvé sur des quotas de capture durables.
Mais au lieu de cela, c’est depuis devenu une interdiction quasi permanente. Les nations en faveur de la chasse, telles que le Japon, la Norvège et l’Islande, soutiennent de leur côté que cette pratique fait partie de leur culture, et devrait se poursuivre sans être réglementée.
Aujourd’hui, le nombre de baleines fait l’objet d’une surveillance étroite et, si de nombreuses espèces sont toujours en danger, d’autres, comme le petit rorqual que chasse principalement le Japon, ne le sont pas…. ce qui pousse les Japonais à vouloir reprendre sa chasse.
En septembre dernier, Tokyo a tenté de faire accepter par la CBI des quotas de capture commerciaux, mais la proposition a été rejetée.
Le Japon peut-il vraiment partir de la CBI ?
Même si le Japon quitte la CBI, le pays nippon sera toujours lié par certaines lois internationales. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer oblige par exemple les pays à coopérer dans le domaine de la conservation des baleines « par l’intermédiaire des organisations internationales compétentes pour leur conservation, leur gestion et leur étude« . En clair, le Japon doit s’incorporer à un organisme, comme c’était le cas avec la CBI.
On peut imaginer que le Japon pourrait soit essayer de créer un autre organisme international s’il parvient à réunir suffisamment d’autres pays, soit rejoindre un organisme existant tel que la Commission des mammifères marins de l’Atlantique Nord (Nammco).
En tant que version miniature de la CBI, Nammco est un regroupement de pays favorables à la chasse à la baleine – Norvège, Islande, Groenland et îles Féroé – nés de la frustration suscitée par la CBI.
Mais le Japon n’a jamais arrêté la chasse à la baleine, pas vrai ?
Oui, malgré l’accord de la CBI, le Japon chasse toujours les baleines depuis 30 ans, mais dans le cadre d’un programme scientifique, accordé à titre exceptionnel.
Les critiques acerbes de la communauté internationale disent toutes que cette pratique est une couverture de ce qui équivaut à de la chasse à la baleine.
En pratique, cela signifie que les baleines peuvent être prélevées pour des études scientifiques et que la viande peut ensuite être vendue pour la consommation. Le pays ne cache pas que la viande issue de ces expéditions se retrouve sur des tables de restaurants et soutient que les stocks de certaines baleines sont maintenant suffisants pour permettre la reprise de la chasse commerciale.
Depuis, le Japon a capturé entre 200 et 1 200 baleines chaque année, indiquant qu’il enquêtait sur le niveau de quantité des individus pour déterminer s’il était, ou non, en voie de disparition.
La position de la CBI ?
Comme nous l’avons rapidement expliqué, le Japon a tenté à plusieurs reprises de lever le moratoire et d’obtenir un accord sur des quotas de capture durables sur le long terme. La dernière tentative allant dans ce sens a eu lieu en septembre lors d’un sommet de la CBI au Brésil.
Le Japon a proposé un ensemble de mesures, notamment la création d’un comité de la chasse durable à la baleine et des limites de capture durables « pour les stocks / espèces de baleines abondantes ».
La proposition a été rejetée. Depuis lors, il a été question que le pays quitte simplement son corps pour ne plus être lié par ses règles…