Love hotel
Les love hotels (ラブホテル) sont des hôtels qui proposent des chambres à réserver pour une durée limitée. Il peut s’agir d’un forfait d’une ou plusieurs heures, tout comme d’une nuit complète. Ces installations sont conçues pour offrir de l’intimité et de la discrétion à deux personnes qui souhaitent avoir des relations sexuelles.
Des estimations réalisées en 2014 recensent entre 20.000 et 30.000 love hotels au Japon. Au fil des décennies, ces établissements sont devenus une véritable industrie lucrative avec un chiffre d’affaires global de près de 29 milliards d’euros, soit 4.000 milliards de yens.
Contexte
Ce que les Japonais nomment rabu hoteru (ラブホテル), soit leur prononciation de l’anglais love hotel, est un concept qui remonte au XVIIe siècle, au début de l’époque d’Edo. Selon certaines sources, il existait des établissements semblables à des auberges ou des salons de thé qui permettaient à chacun de réserver une chambre pour pratiquer une activité sexuelle. Il y avait la même notion de discrétion, à tel point que certains lieux proposaient une sortie dissimulée pour éviter tout scandale. Les édifices de ce type se situaient essentiellement à Kyoto et Edo.
Le love hotel n’est pas une exclusivité japonaise. On en trouve partout dans le monde (en Corée du Sud, en Thaïlande, au Canada, en Inde, au Nigeria, etc.). Cependant, l’appellation désigne avant tout les établissements nippons. Ces derniers se sont développés à partir des salons de thé (茶屋 chaya) et étaient surtout exploités par les prostituées et leurs habitués. Les amoureux se sont peu à peu saisis du concept et ont incarné une nouvelle clientèle.
Le logement représentatif des années 1960 au Japon était caractérisé par de petites maisons avec des zones de couchage utilisées comme espace commun pendant la journée. Cela laissait très peu de possibilités pour les parents d’entretenir des relations sexuelles en privé. C’est ainsi que de modestes appartements gérés par des familles avec quelques chambres à revendre ont été proposés sous le terme de 連れ込み宿 tsurekomi yado. On comptait environ 2700 auberges de ce type en 1961 dans le centre de Tokyo.
L’appellation « love hotel » provient d’un établissement à Osaka nommé Hotel Love. Il a été construit en 1968. Il s’agissait d’un grand bâtiment en béton offrant un parking au sous-sol. Il avait la particularité d’avoir une affiche tournante divisée en deux parties : « Hotel » et « Love ». Ainsi, selon l’endroit et le moment où l’on se trouvait, on pouvait lire « Love Hotel » ou « Hotel Love ». Au fil des semaines, les conducteurs de taxi d’Osaka ont commencé à appeler les hôtels destinés aux couples des « love hotels ».
Le terme s’est alors répandu dans l’entièreté de l’archipel les années suivantes. Il est probable que l’exposition universelle d’Osaka, deux ans plus tard, ait grandement contribué à cette diffusion nationale. Le concept, qui était à l’origine une curiosité pour bon nombre de Japonais, est progressivement devenu populaire. C’est ainsi que Tokyo ouvre son premier love hotel en 1973 sous le nom de Meguro Emperor. Ce dernier présente un style de château médiéval et il a généré en moyenne environ 40 millions de yens par mois !
Clientèles
Les love hotel sont des lieux fréquentés par une population hétérogène. Le service vise à assouvir le moindre fantasme (dans la limite du raisonnable et du légal). Ces lieux sont traditionnellement conçus pour servir de refuge aux jeunes couples qui souhaitent s’offrir un moment d’intimité. Mais les chambres conviendront aussi à un amant et sa maitresse, à une prostituée et son client, à deux jeunes personnes souhaitant profiter de bon temps… N’oublions pas également que les nombreuses singularités offertes par un love hotel peuvent offrir un moment d’évasion à un couple de longue date.
On observe cependant de multiples établissements qui refusent les réservations aux personnes homosexuelles. Parfois, cela s’accompagne de comportement homophobe. Une loi de 2018 vise à changer les mentalités en stipulant que les hôtels « ne devraient pas rejeter les clients sur la base de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre ». Le Japon est le seul pays du G7 qui tarde à reconnaitre les mariages homosexuels. Un retard qui devrait être comblé à compter de novembre 2022. Certains membres de la communauté gay à Tokyo estiment que les love hotels leur sont interdits.
Caractéristiques distinctives
Les love hotel sont des établissements qui se veulent discernables. On les reconnait immédiatement dans les rues. Les néons et les affichages en couleurs resplendissantes sont monnaie courante. D’autres symboles comme des cœurs sont presque toujours en usage sur la devanture. Les montants de location de chambre à l’heure ou au forfait sont également spécifiés en grand pour attirer les visiteurs. On parle de tarif pour un « repos » ou « rest » (休憩, kyūkei).
La période de « repos » est distincte d’une nuitée. Elle se détermine en heures, souvent entre une et trois. Chaque établissement a la possibilité d’offrir des services exclusifs et de proposer des prestations originales. Il est cependant rare de pouvoir louer sa propre chambre ou de pouvoir quitter sa chambre d’hôtel sans annuler son forfait. Les prix varient, mais il faut compter entre 3.000 et 6.000 ¥ (entre 20 et 50 euros) pour une poignée d’heures.
Les nuitées « stay » s’articulent autour d’un fonctionnement différent. Elles permettent à un couple de passer la nuit dans un hôtel sans être dérangé toutes les heures par un coup de téléphone vous réclamant de payer pour solliciter 60 minutes de plus. Les réservations ne sont accessibles qu’en soirée, après 22 heures. Les tarifs sont sensiblement distincts. Certaines périodes de l’année peuvent entraîner des réductions ou des hausses (comme lors de la Saint-Valentin). Les montants habituels s’échelonnent entre 7.000 et 15.000 ¥ (entre 50 et 110 euros).
Si l’entrée des love hotel est aisément remarquable depuis l’extérieur, l’ambiance à l’intérieur se veut minimaliste. Tout est fait pour mettre en condition les couples et ne pas les embarrasser. La discrétion est de mise. Le personnel est en petit comité et se chargera de prendre votre réservation sans fioritures. Ces dernières années, nous avons observé l’apparition de plusieurs tablettes tactiles qui permettent de louer sans aucun contact avec un individu.
L’importance de l’anonymat, sensiblement liée à la gêne ou à la honte du caractère sexuel, est exaltée. C’est ainsi qu’il est parfois possible de régler et d’obtenir la facture par… un tube pneumatique. On trouve également des distributeurs automatiques de billets ou des vitres en verre dépoli qui dissimulent le visage du membre du personnel responsable de votre commande. L’alternative que vous rencontrerez dans beaucoup d’établissements est un rideau qui masque 80 % du corps de votre interlocuteur. Les chambres d’hôtel ne comportent que peu (voire pas) de fenêtres donnant sur l’extérieur. Enfin, les emplacements de parking sont en général camouflés.
Spécialisations et fantasmes
Les love hotels ont pour objectif d’octroyer un endroit sûr, sécurisé et intime pour un couple qui souhaite avoir une relation charnelle. L’industrie des établissements s’est progressivement développée et la concurrence est apparue. Pour se différencier, la majorité des offres du marché propose de réaliser certains fantasmes sexuels. Les hôtels haut de gamme peuvent ainsi présenter des pièces fantaisistes décorées avec des personnages d’anime, être pourvus avec des miroirs au plafond, des machines à karaoké, un lit rotatif…
Les chambres sont souvent équipées avec une baignoire jacuzzi et une douche, une télévision grand format, un service de vidéo à la demande, une petite cuisine, un réfrigérateur, un micro-ondes, une bouilloire et, bien sûr, un lit très grand format (king ou queen size). Les préservatifs gratuits seront toujours fournis, habituellement dans une petite boîte à côté du lit. Dans certains cas, il est possible de louer une ou plusieurs caméras pour filmer ses ébats amoureux, et conserver un souvenir de son passage.
Il semble que les chambres empruntent d’une certaine ambiance soient de plus en plus plébiscitées. Les établissements offrent de reproduire des donjons médiévaux, des salles de classe, des salles d’hôpital, des wagons ou presque n’importe quelle scène fantastique. Cela s’accompagne bien souvent avec des installations et des équipements ciblés (SM, bondage, fauteuil de massage, etc.).
Les hôtels les moins chers ne proposent pas systématiquement de tels services et se cantonnent aux meubles simples. Les enseignes de premier prix sont en général visitées par de jeunes couples d’adultes ou même d’étudiants. D’autres offres ne vous proposeront que le strict nécessaire avec une réservation, mais mettront à disposition des gadgets ou des prestations accessibles sur commande.
La majorité des établissements propose des services de location de produits. Cela permet de ne jamais tomber en rade d’un chargeur de téléphone, de pince pour se couper les ongles ou de nourriture… le catalogue est accessible dans un livret disposé sur la table basse de votre chambre ou directement via l’écran du téléviseur. On peut presque tout commander : des vivres, des cosplays, des sextoys, louer un film d’action ou pornographique…
Comme dans un hôtel ordinaire, le service client est essentiel. Le personnel fera tout pour rendre votre séjour parfait afin d’essayer de vous faire revenir un jour. C’est pour cela que certaines chaînes offrent désormais un système de cartes de fidélité. Si vous dépensez une certaine somme d’argent dans plusieurs hôtels d’un grand groupe ou que vous séjournez un certain nombre de fois, vous pourrez recevoir certaines récompenses. Ce sont généralement des sacs, des portefeuilles de marques, des billets et des réservations pour des événements exclusifs… tout est bon pour fidéliser !
Afin de se démarquer de la concurrence et de ne pas reprendre l’appellation love hôtel qui est encadrée par la loi, certains établissements ont décidé de rentrer dans le jeu des synonymes. C’est ainsi que l’on peut découvrir et réserver des hôtels romantiques, des hôtels de mode, des hôtels de loisirs, des hôtels de charme, des hôtels de couple ou des hôtels de fusion.
Une industrie en plein essor
Les love hôtels ont progressivement été encadrés par la loi au fil des décennies. Cependant, leur développement n’a cessé. Une enquête remontant à 2009 a estimé leur chiffre d’affaires annuel à plus de 40 milliards de dollars. À titre de comparaison, c’est le double de celui du marché japonais de l’anime ! Un véritable tour de force qui rassemble des millions de consommateurs annuels et qui reste strictement national.
Sarah Chaplin avance dans son ouvrage « Japanese Love Hotels: A Cultural History. London » que près de 2 % de la population japonaise visite chaque jour un love hotel. Une autre estimation rapportée par le journal Forbes évoque le chiffre ahurissant de 500 millions de visites dans les 37.000 hôtels chaque année. Cela représente environ 1,4 million de couples !
Réservations et conditions
Les étrangers (et donc les Français) ont le droit de réserver dans un love hotel. Chacun peut louer une chambre pour la nuit ou quelques heures. Il arrive que des établissements requièrent que l’un des deux membres du couple parle correctement le japonais. Dans les faits, cela se vérifie rarement, d’autant plus qu’il y a de moins en moins d’interactions humaines dans ces mêmes hôtels.
Il est souvent indispensable d’indiquer à l’avance au réceptionniste combien de temps vous comptez rester. Il est possible de prolonger votre séjour en appelant la réception, mais il faut maîtriser le japonais au téléphone. Une fois sur place, chacun peut choisir une chambre, ce qui englobe habituellement des thèmes et des équipements différents. En plus de pouvoir louer des jouets sexuels comme des vibromasseurs, il est envisageable de se procurer des costumes spéciaux afin de rentrer dans la thématique de votre fantasme.
Il est toutefois invraisemblable de louer une chambre si l’on est seul. Les conditions de toutes les installations requièrent un couple, peu importe votre sexe. Ainsi, si vous souhaitez effectuer un shooting photo ou un reportage dans un établissement de ce genre, alors vous devrez demander à un ami (de préférence japonais) de vous accompagner pour la réservation.
Le coût d’une location de quelques heures peut atteindre plusieurs milliers de yens. Si vous souhaitez réserver une nuit entière, il faudra dépenser en moyenne 10.000 ¥. Cela dépend évidemment de l’emplacement : les week-ends, les vendredis soir et les jours fériés, le centre de Tokyo soumet des tarifs parfois exorbitants. Les zones moins peuplées ont le mérite d’offrir des prestations plus tempérées. Les hôtels classiques peuvent même se révéler moins chers en certaines occasions.
La prostitution est souvent associée à ce genre d’établissement. Il faut dire que le cadre est idéal pour l’industrie du sexe : milieu clos, sécurisé, anonymat garanti et durée de la « prestation » limitée. Dans les faits, rien n’est démontré et il est difficile de mener des études sérieuses à ce sujet, compte tenu de la nature volatile des locations.