Beaucoup de personnes connaissent l’entrée en guerre des Américains, par le biais du bombardement japonais de Pearl Harbor, la base américaine présente dans le Pacifique. Mais tout cela parachève, ou presque, une construction et une succession d’agressions d’un Japon impérial qui va définitivement marquer l’histoire mondiale du XXe siècle. Acteur incontournable mais encore méconnu, nous allons vous présenter un dossier sur l’esprit conquérant japonais impérial.
Afin d’être le plus complet possible, nous allons remonter à ses origines à partir de 1868 et de l’ère Meiji. Dans un souci de lisibilité, nous allons séparer ce travail en plusieurs parties, que vous pourrez explorer via un plan disponible en fin d’article. Je vous souhaite une agréable lecture.
I – Les origines
Comme nous venons très rapidement de le sous-entendre, le Japon impérial des années 1930 et 1940 trouve ses fondements à partir de 1868 et du pouvoir recouvré par les empereurs. Tous, en se succédant, héritent d’une ferme volonté de reconquérir l’ensemble de l’Asie et de la placer sous le joug japonais. Plusieurs raisons expliquent ce fantasme alors jamais assouvi, en commençant par les richesses naturelles et agricoles de l’actuelle Taïwan ou encore celles de la Corée. Les minerais de la Mandchourie comme le fer ou le charbon sont également très précieux et semblent de plus en plus vitaux aux yeux des dirigeants japonais.
En 1868, les seigneurs de l’archipel qui régnaient jusqu’alors vont s’incliner pour la première fois devant le jeune Mutsuhito, le nouvel empereur du Japon. Il faut bien comprendre que nous sommes face à l’une des transitions les plus importantes de l’histoire du Japon, car 265 ans venaient de s’écouler durant lesquelles le shogun avait les pleins pouvoirs ; et l’empereur, s’il restait très sacré dans l’esprit des Japonais, n’avait aucun pouvoir politique ou militaire. L’heure de la restauration impériale sonnant, il faut s’intéresser aux trois monarques qui ont successivement dirigé le Japon de 1867 à 1989, à savoir Mutsuhito, Yoshihito et Hirohito.
Aujourd’hui encore les historiens s’affrontent pour savoir quel était le véritable rôle de ces empereurs, s’ils étaient les véritables figures toutes-puissantes, des dieux vivants, ou si les pouvoirs étaient finalement dans les mains d’autres personnes, bien plus discrètes et en retrait. Je vous propose d’abord de dresser un court portrait sur chacun de ces monarques, afin d’en saisir tous les enjeux et les particularités.
1. Mutsuhito – Ère Meiji
Son règne débute donc au balbutiement de l’ère Meiji en 1867, et s’achèvera en 1912. S’il a assez peu d’écho dans l’histoire que les étrangers apprennent du Japon contemporain, il en demeure un grand modernisateur que les Japonais affectionnent tout particulièrement. Sa gouvernance est d’ailleurs considérée comme une « ère des lumières », où des réformes radicales mais néanmoins nécessaires seront prises, et permettront au Japon de sortir de force d’un isolationnisme qui durait depuis des centaines d’années.
Avant-gardiste mais déterminé, c’est sous sa direction et sa volonté que le Japon obtiendra pour la première fois de son histoire au XXe siècle son rang de grande puissance industrielle, mais également politique. Il s’efforcera de rendre l’archipel aussi crédible et moderne que les grands modèles européens qui considéraient alors l’Asie comme une région sous-développée du monde.
Sur le plan de sa vie personnelle, il a, avec sa femme mais également plusieurs concubines, eu au moins 15 enfants, dont, malheureusement, seuls cinq iront au-delà de l’âge adulte. Son passe-temps favori était la poésie, il a d’ailleurs écrit 125 poèmes, ou gyosei, au cours de sa vie. En 1912, il est alors âgé de 60 ans et s’éteint, le 30 juillet. Il sera alors éternellement considéré par ses contemporains, mais également par les générations qui suivront, comme le symbole d’une ouverture du Japon sur le monde, et un maillon essentiel d’un Japon puissant et sérieux.
2. Yoshihito – Ère Taicho
L’empereur précédent étant décédé, une autre période s’ouvre au Japon. Contrairement à son prédécesseur, la postérité ne sera pas aussi clémente avec lui. Surnommé l’empereur fou, Yoshito régnera officiellement seulement 14 ans, mais officieusement il confie la régence à son fils à partir de novembre 1921. Durant les cinq dernières années de son règne, c’est un empereur fantoche qui apparaîtra aux yeux de ses sujets comme de plus en plus en retrait.
Mouvementée, la période de son règne est notamment l’occasion de voir l’apparition de plusieurs mouvements libéraux, et une large démocratisation du Japon, calquée sur le modèle occidental. Les libertés, comme celles de la presse, semblent sur la bonne voie et se développent toutes. Dans le même temps, l’empereur, affaibli par sa santé de plus en plus fragile, n’aura aucun contrôle sur le cours des événements et des excès seront à regretter par la suite. De plus, il n’a pas été suffisamment préparé à l’exercice de son devoir, et apparaîtra aux yeux de ses compères comme un homme relativement inexpérimenté, il ne faudra pas attendre longtemps avant qu’une division s’installe au sein de son gouvernement.
Il eut tout de même au cours de sa vie quatre enfants, avec qui il passait l’essentiel de son temps. Affaibli, il mourra le 25 décembre 1926, laissant son fils Hirohito (qui assumait déjà la régence depuis pas mal d’années) comme empereur.
3. Hirohito – Ère Showa
C’est l’empereur le plus connu du Japon, et ce pour de multiples raisons. Plus haut responsable militaire durant la Seconde Guerre mondiale, ou encore monarque déchu, il partage plusieurs facettes qui marqueront à jamais l’histoire du Japon, et son empreinte hante toujours les pays voisins de l’archipel nippon.
Comme nous venons de le voir, il a été régent à partir de 1921 pendant cinq ans. Ensuite il devient naturellement empereur et va régner jusqu’en 1989, devenant une figure politique incontournable du XXe siècle en Asie. Aujourd’hui, la postérité lui donne l’image de l’incarnation d’un impérialisme japonais unique et violent, mais il est également considéré comme le symbole ultime des dérives de cet impérialisme excessif.
Les historiens s’interrogent aujourd’hui sur le rôle de l’empereur. A-t-il été obligé, par ses militaires, à endosser ce rôle de chef suprême des armées, ou bien a-t-il eu véritablement un rôle actif et entier dans les différentes guerres, et surtout dans les crimes odieux ?
Quoiqu’il en soit, Hirohito a eu dans sa vie 7 enfants, et il était un fervent passionné de la géologie marine. Pour la petite anecdote, il possédait un laboratoire gigantesque dans son palais à Tokyo.
Traiter la figure d’Hirohito prendrait des heures, et je souhaitais ici simplement vous introduire son personnage et son règne de manière exhaustive. D’ailleurs, la désignation de son ère, Showa, signifiant littéralement « paix céleste », résonne à travers l’histoire comme l’une des plus grandes ironies que nous pouvons trouver…
Retrouvez prochainement notre partie suivante qui concernera la période s’échelonnant de 1872 à 1905, marquant le véritable début de cette puissance impérialiste japonaise unique au monde.