Que veut VRAIMENT dire Sensei en japonais ?

Sensei

Que vous soyez un pratiquant d’arts martiaux ou que vous appréciez lire et regarder des mangas, vous avez probablement déjà entendu de locution « Sensei » (先生). Cette petite expression se traduit littéralement « professeur » ou « maître » en bon français. Cependant, la signification va bien au-delà en japonais, tout comme son usage dans la langue courante. Afin d’y voir plus clair, nous avons décidé de consacrer un article spécifique à ce sujet.

Le bon réflexe lorsque l’on étudie un nouveau mot japonais est souvent d’analyser les kanji, c’est-à-dire avec quels idéogrammes le terme est constitué. Ici, il s’agit de 先 (précédent) et de 生 (né). C’est donc une « personne née avant vous ». À l’époque, vivre plus longtemps signifiait avoir plus d’expérience et de connaissances. De nos jours, le terme « sensei » ne correspond pas à tout prix à cela, mais on observe toujours cette idée d’une personne chevronnée, compétente et bien informée. Traditionnellement, on apprend aux Japonais à honorer les aînés. Il est essentiel d’assimiler que le mot « Sensei » est hautement respectueux.

Définition

Le dictionnaire japonais 妙教国語辞典 définit « Sensei » comme suit : « une personne qui enseigne les académies, la technique, l’art, la pratique, etc. » L’explication est on ne peut plus vague avec ce « etc. » qui peut affecter tous les domaines. D’ailleurs, au Japon, certains n’hésitent pas à parler de Google-Sensei, tant le moteur de recherche est en mesure d’éclaircir tout ce qu’il faut savoir sur la vie et les connaissances humaines !

Plus concrètement au Japon, Sensei est un titre honorifique présent dans la langue nipponne. Il est employé comme une marque de respect envers quelqu’un qui est considéré comme un enseignant, un mentorat ou une autorité spécifique. Les pratiquants de formes d’art originaires du Japon peuvent s’adresser à leurs instructeurs en utilisant le terme Sensei, qu’ils soient japonais ou non. La principale clé de compréhension réside dans le fait qu’il s’agit d’une forme d’estime pour nommer un supérieur hiérarchique. C’est pour cela que le terme peut tour à tour désigner un professeur de musique, un docteur ou un maître de karaté.

Au Japon, on a recours à ce titre honorifique pour s’adresser à des médecins, à des avocats, à des enseignants ou à des artisans affûtés (un forgeron de katana, par exemple). L’expression est utilisée pour décrire quelqu’un qui a atteint un haut niveau de compétence dans les arts. Cela est aussi adapté pour évoquer un individu considéré comme une autorité dans une forme d’art : la musique, la danse, la poésie ou la peinture. Bref, un artiste qui a de l’influence et qui s’est élevé dans sa propre discipline.

La plupart des artistes et des artisans chevronnés sont aussi des enseignants. Cela rend le terme particulièrement approprié. Dans le quotidien, on entend souvent l’appellation « Sensei ». Aujourd’hui, les personnes qui découvrent le Japon par le biais des mangas ont l’habitude de l’entendre dans les cours de récréation ou les environnements académiques. Cependant, un Sensei est un enseignant ou une personne autoritaire dans son domaine, ce qui peut s’étendre à un instructeur d’art martial ou un docteur qui vous soigne.

Les pratiques religieuses ont également recours au titre honorifique de Sensei. La culture japonaise contient de multiples règles et conventions sociales très complexes qui régissent l’utilisation de termes, y compris l’appellation Sensei. Les titres honorifiques et autres marques de respect sont très importants pour de nombreux Japonais. Cela est d’autant plus essentiel lorsque l’on s’adresse à des personnes âgées ou à des familles plus traditionnelles et conservatrices.

L'art de transmettre le savoir

Le Sensei est, par définition, un individu qui possède une grande expertise dans une ou plusieurs thématiques données. Cela est associé à une connaissance plus ou moins longue qui correspond à leur vécu. L’idée derrière ce titre honorifique est de marquer un certain écart avec les plus jeunes générations en quête d’apprentissage et qui manquent ipso facto de savoirs. Les sensei sont d’ordinaire des personnes plus âgées qui peuvent partager leur culture et leur compétence avec les inexpérimentés. Pour obtenir le privilège d’être appelé sensei, il faut souvent atteindre un statut social élevé. Tous ceux qui occupent une position socialement puissante ne sont pas pour autant des sensei.

Les hommes d’affaires qui président de grandes entreprises sont traités avec respect, mais ils ne sont pas estimés comme des sensei. Les personnalités publiques populaires ne sont pas systématiquement nommées telles quelles. Le terme peut aussi être employé avec une note de sarcasme dans certains cas, par exemple pour indiquer qu’un individu a une opinion exagérée de lui-même.

Historique

Le mot sensei est finalement assez récent. Il a commencé à être largement répandu au Japon au début de la décennie 1960. Le mot est surtout connu et accepté par tous dans le domaine des arts martiaux à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il apparaît pour la première fois dans le dictionnaire japonais en 1968. Ensuite, il est beaucoup employé par la population ainsi que par la jeune génération comme un terme d’estime. Il prend peu à peu la forme d’un titre pour une variété d’hommes érudits.

Aujourd’hui en 2022, on s’en sert pour désigner des enseignants, des médecins, des pharmaciens, des avocats, des ingénieurs, les journalistes ainsi que d’autres professions savantes et respectées. Il s’applique à la fois pour des individus masculins comme féminins. Le terme sensei proviendrait du mot indien sen-an (sen ani) qui était utilisé comme nom d’un chef, soit la personne qui agissait en tant que chef ou bien le chef de guerre. L’usage était réservé dans la caste indienne des carriers nobles, les kshatriya.

La principale caractéristique reconnue de ces chefs indiens au sein de leur domaine était la capacité de diriger. On attendait d’eux d’être les chefs des autres membres de cette caste de nobles guerriers. Un dirigeant devait absolument faire preuve d’un grand courage, d’une excellente endurance, d’un sens de la justice et de la générosité reconnue. On lui associait volontiers une bonne diplomatie ainsi qu’un désir de protéger les plus faibles. Il était parfois considéré comme un rempart devant la justice ou la mort. Les personnes qui portaient un tel titre devaient être prêtes, si nécessaire, à sacrifier leur vie pour défendre leurs subordonnés.

Cette caste a finalement disparu lentement au Moyen Âge. Elle a depuis été remplacée par celle des Rajputs. Le mot sen-an s’est petit à petit répandu de l’Inde vers la Chine. Depuis la Chine, il a migré par la voie des œuvres littéraires et les discussions en Corée puis au Japon. Le mot a également commencé à changer, surtout au niveau de sa prononciation et de son application sur des individus. Il est donc logique que sa signification ait aussi été modulée. En Chine par exemple, le mot sen-an s’est progressivement transformé en senfan (sienfan). Le sens, qui se rapprochait de chef de guerre, est devenu le titre d’une personne compétente en arts martiaux et qui apprend l’un des styles à une autre personne.

Finalement, l’expression senfan s’inscrit dans un large dictionnaire des arts martiaux qui comprend déjà d’autres termes pour le même sens. Les personnes qui inculquent aux autres sont parfois nommées Sifu en cantonais ou Shifu en chinois mandarin. On a toujours eu l’idée qu’il s’agissait d’un vieil homme avec une grande connaissance et une expérience des arts martiaux qui se devait d’enseigner aux plus jeunes générations comme un père.

C’est enfin cette définition et cet usage qui ont été retenus au Japon. Le sensei est, depuis une cinquantaine d’années, énormément propagé dans toutes les générations et les milieux sociaux nippons. Si vous décidez d’apprendre le japonais, alors il y a fort à parier pour que votre professeur vous demande de l’appeler par l’expression honorifique Sensei !

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