Haïku

Haïku

Un haïku (俳句, haiku) est un type de poésie de forme courte originaire du Japon. Il se compose de 3 phrases qui contiennent un mot « coupant » (kireji), 17 On (les unités phonétiques similaires à des syllabes) et une référence saisonnière (le kigo). La poésie nipponne compte de multiples œuvres poétiques semblables, mais qui n’adhèrent pas à ces normes. Ils sont généralement classés comme des senryu.

Initialement baptisé Hokku, le haïku prend son nom actuel à la fin du XIXe siècle grâce à l’écrivain japonais Masaoka Shiki. Aujourd’hui, les haïkus sont rédigés par des auteurs du monde entier, dont certains maîtres français. Il existe de nombreux mouvements minoritaires au sein de la communauté des créateurs qui peuvent plus ou moins s’écarter des traditions et des règles établies.

Les auteurs de haïku sont appelés haijin (俳人) ou haïkiste.

Structure

Le haïku japonais s’articule autour de 3 éléments structurels : le kireji, le On et le Kigo.

Kireji

Le kireji est un mot de coupure qui apparaît en général à la fin d’une des 3 phrases du vers. Il remplit un rôle similaire à celui d’une césure dans la poésie occidentale classique. Son emplacement est déterminant pour le sens de la poésie : il peut brièvement hacher le courant de pensée, suggérer un parallèle entre les phrases précédentes et se positionner comme la conclusion. Historiquement, le kireji distingue le haïku du 2e verset et des versets suivants du renku (formule de poésie plus longue où le Haiku ne servait que d’introduction).

Un haïku contient deux idées juxtaposées. Le kireji est un formidable outil pour créer un effet de surprise en déplaçant la perspective ou en attirant l’attention du lecteur sur un autre objet. Ce que l’on peut désigner comme un écart offre plus de profondeur au haïku. En japonais, il est de temps à autre comparé à une respiration ou à une suspension.

Dans les haïkus que l’on peut consulter en français, il est généralement représenté par un tiret à la fin de l’un des 2 premiers vers du poème. Il prend parfois la forme d’un signe de ponctuation comme d’un point d’exclamation.

On

Les vers japonais contiennent des unités sonores appelées On (ou parfois Morae). Le haïku traditionnel est généralement un vers fixe qui se compose de 17 On, en 3 vers de 5, 7 et 5 On. Le concept de On est souvent traduit par syllabe en français, mais cela est maladroit. Par exemple, le mot « haibun » compte pour 2 syllabes en français, mais 4 en japonais (ha-i-bu-n). Même le « On » compte pour 2 en japonais, car on énonce d’abord la voyelle courte O avant de prononcer le N, plus nasal.

Il existe aujourd’hui des dissensions parmi des communautés de créateurs de haïku. Ainsi, les haïkus teiki continuent à utiliser le schéma 5-7-5 tandis que les haïkus jiyuritsu ne le font pas. En français, les temps sont remplacés par des syllabes divisées en 3 vers : le premier compte 5 syllabes, le 2e dispose de 7 syllabes alors que le 3e comprend 5 syllabes. Cela rend difficile la traduction juste et authentique des réalisations japonaises, mais facilite les haïkus d’auteur français. En effet, le fait de transposer un haïku japonais sous la forme d’un tercet de 3 vers de 5, 7 et 5 syllabes (et non des mores) apparaît comme problématique, car une syllabe française peut contenir jusqu’à 3 mores.

Kigo

Le kigo est un mot ou une phrase qui symbolise la saison du poème. Il se présente sous l’aspect de métonymie et peut être difficile à repérer pour ceux qui n’ont pas de références culturelles japonaises. Les haïkus non japonais ou par des auteurs modernes de formes plus libres décident parfois de ne pas les inclure. Les auteurs de la mouvance traditionaliste estiment qu’il s’agit d’une règle absolue.

Dans la poésie haïku, on considère qu’il y a 5 saisons : le printemps (entre le 4 février et le 5 mai), l’été (entre le 6 mai et le 7 août), l’automne (entre le 8 août et le 6 novembre), l’hiver (entre le 7 novembre et le 3 février) et le Nouvel An. Il arrive que le Kigo soit une simple nomination de la saison, mais le plus souvent, les auteurs préfèrent l’évoquer de manière plus métaphorique. Le saijiki répertorie plusieurs formules à ce sujet.

Par exemple, le printemps est souvent évoqué par les cerisiers en fleurs (sakura). La fin d’automne est typiquement symbolisée par le chrysanthème, les feuilles qui tombent ou les champignons. Dans tous les cas, le kigo sert à lier le poème à la réalité et oblige le poète à être attentif au monde qui l’entoure.

Exemples

Voici des exemples de haïku :

jour de canicule
une mouche espiègle se joue
des mâchoires du chien

Bruno Hulin

premier gel
cueillir la dernière rose
une épine au cœur

André Vézina

pluie intermittente
dans le hamac abandonné
une odeur de pin

Angèle Lux

à l’aube scintillent
les glaçons synthétiques
sur l’arbre de Noël

André Duhaime

Histoire

La poésie vernaculaire japonaise a connu une réduction progressive de la forme de son expression. Un tel phénomène s’est produit dans une grande variété de contextes et de médias comme la poésie, mais aussi le théâtre nô, le jardinage, le bonsaï, la cérémonie de thé ou encore la peinture à l’encre. En effet, la poésie est peu à peu passée du choka (Manyoshu) au Waka de 31 syllabes (Kokinshu, période Heian), puis aux vers liés de la période médiévale et enfin, au début de la période moderne, au Hokku de 17 syllabes (qui seront appelés des haïkus plus tard).

De nombreuses formes littéraires traditionnelles japonaises mettent l’accent sur la brièveté, la condensation et les connotations. Les actions humaines sont réduites au strict nécessaire, à des mouvements hautement symboliques tels que l’inclinaison du masque pour exprimer la joie ou le balayage de la main pour dépeindre des pleurs. Les restrictions physiques et visuelles se mesurent davantage dans les représentations comme le théâtre Nô. La haïku du japonais traditionnel en reprend toutefois l’essence et se fonde sur la suggestion.

La conception de la poésie est fondamentalement différente au Japon par rapport au reste du monde. À partir de la période Heian, presque tous les genres littéraires et en particulier la poésie étaient composés en groupe. On trouvait sans cesse un professeur ou un juge qui transmettait la connaissance de la « voie » michi du genre ou de la forme d’art. Jusqu’à l’époque Meiji, la lecture était principalement une activité orale et sociale dans laquelle une personne lisait le texte à haute voix à d’autres.

Ce que l’on nomme aujourd’hui haïku date de l’époque Edo (1603 – 1868). Il s’inscrit dans la longue histoire des genres littéraires japonais qui surgissent à chaque grande époque. En effet, toutes les phases historiques ont donné naissance à de nouveaux genres, sans pour autant abandonner les formes antérieures. Le waka (poème classique) de 31 syllabes est apparu aux époques Nara et Heian. Les vers classiques liés ont émergé à l’époque médiévale haruo shirane. Enfin, le Haikai et le Hokku (futur Haiku) apparaissent progressivement à l’époque Edo tandis que le vers libre débarque ultérieurement sous l’influence de la poésie occidentale.

Le haïku voit le jour en tant que partie d’ouverture d’un plus grand poème japonais, le renga. Ces petits poèmes étaient initialement rédigés comme une strophe d’ouverture (hokku). Peu à peu, les auteurs ont apprécié la brièveté de son format et ont décidé de les écrire comme des poèmes autonomes. On attribue maintenant la paternité du haïku, du moins dans son esprit actuel, au poète Basho Matsu (1644 – 1694). À son époque, le hokku avait déjà commencé à apparaître comme une forme de poème indépendant. Il était en particulier incorporé dans le haibun, une conjonction de prose et de hokku. On le trouvait aussi dans le haiga, une combinaison de peinture et de hokku. Cependant, l’évolution nominative du hokku vers le haïku ne se fera qu’à la fin du XIXe siècle sous l’égide de Masaoka Shiki (1867 – 1902) qui rebaptise le hokku autonome en haïku. Il est désormais appliqué rétrospectivement à tous les hokkus qui apparaissent indépendamment du renku ou du renga (poème lié de collaboration orthodoxe).

Masaoka Shiki
Masaoka Shiki

L’une des principales caractéristiques de la littérature d’Edo est l’interaction complexe entre 2 grandes généalogies de la littérature et de la culture :

  • la culture raffinée (ga)
  • la culture populaire (zoku)

Les genres populaires tendaient à mettre l’accent sur les sujets de cours tels que la nature, les 4 saisons et l’amour. La littérature populaire était composée de nouveaux genres, souvent en langue vernaculaire. Elle axait son récit sur la société urbaine et reflétait le côté exubérant, érotique, comique et parfois violent de la culture contemporaine. Au cœur de cette poésie populaire se trouvaient les haikai senryu, des haikus satiriques, mais aussi le kyoka (poésie sauvage) et le kyoshi (poésie chinoise sauvage). Ce sont 3 sous-genres qui sont apparus dans la seconde moitié du XVIIIe siècle au Japon.

La forme la plus importante de la littérature populaire au XVIIe siècle était sans doute le haikai. Ce sont des vers populaires et liés qui sont imprégnés de ce que l’on pourrait appeler un esprit haikai (haii). Il est généré par la transfusion de 2 registres de styles opposés, recherchant le passé classique dans un présent plus commun. Par exemple, les Japonais appréciaient projeter le brillant Genji sur un roturier urbain dans une fiction. De cette façon, on pouvait trouver le sacré dans le profane. Ces impulsions transgressives ont créé une grande variété de genres comme le kana-zoshi (livret de kana) ou le ukiyo-zoshi (livre du monde flottant).

L’haïku est une formule de poésie très populaire aujourd’hui avec environ 1 million de pratiquants. Cette forme de poésie brève a été introduite en France par Paul-Louis Couchoud vers 1906. Ils visitent d’abord le Japon avec une bourse du banquier Albert Kahn qui lui permet de visiter le pays du soleil levant entre septembre 1903 et mai 1904. Il se prend de passion pour la culture et les paysages nippons. Lors d’un périple en péniche sur les canaux français en 1905, Couchoud, le sculpteur Albert Poncin et le peintre André Faure composent les haïkus en français. Ils publient ensuite anonymement leurs travaux dans une édition limitée à 30 exemplaires, « Au fil de l’eau ». Encore aujourd’hui, cette publication est considérée comme une des adaptations les plus réussies d’haïkus en français.

Paul-Louis Couchoud
Paul-Louis Couchoud

Couchoud réalise par la suite un autre voyage, d’abord en Japon puis en Chine. Il fait paraître Sages et poètes d’Asie, qui ne manquera pas de marquer Marguerite Yourcenar en 1955. « J’avais 15 ans à l’époque, et je connais encore par cœur certains haïkus traduits ou adaptés par lui ; ce livre exquis a été pour moi l’équivalent d’une porte entrouverte. Elle ne s’est jamais refermée. Combien j’aurais aimé visiter P. L. Couchoud avec vous, et remercier le poète malade pour tout ce qu’il m’a fait ressentir ou résonner ».

Les autres grands poètes français qui ont écrit des haïkus sont Paul Claudel (1942) Nicolas Grenier et Georges Friedenkraft (Georges Chapouthie). Ce dernier considère que les haïkus en français comportent souvent des allitérations et des rimes discrètes du fait du caractère moins rythmé de la langue française.

Liste d'auteurs haïkus

  • Sokan Yamazaki
  • Arakida Moritake
  • Basho Matsuo
  • Chiyo-ni
  • Buson Yosa
  • Issa Kobayashi
  • Ryokan Taigu
  • Shiki Masaoka
  • Soseki Natsume
  • Sokotsu Samukawa
  • Yosano Akiko
  • Kenshin Sumitaku
  • Kyoshi Takagama
  • Ippekiro Nakatsuka
  • Sekitei Hara
  • Hisajo Sugita
  • Suju Takano
  • Kakio Tomizawa
  • Koi Nagata
  • Hosai Ozaki
  • Taneda Santoka
  • Shuson Kato
  • Tota Kaneko
  • Banya Natsuishi
  • Hoshinaga Fumio
  • Maruyama Kaidô
  • Tanaka Hiroaki
  • Kinoshita Yûji
  • Mayuzumi Shû
  • Kimura Toshio
  • Imai Sei
  • Origasa Bishû
  • Arima Akito
  • Takahashi Masô
  • Ueda Gosengoku
  • Iida Ryûta
  • Nakahara Michio
  • Horimoto Gin
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