Femmes au Japon

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[Mise à jour le 9 mars 2024 à 9h01] Le Japon a beau être l’un des pays les plus développés et riches du monde, la place de la femme japonaise reste bien en retrait par rapport à ses équivalents occidentaux. Il est difficile de dire qu’au Japon, les hommes et les 64 millions de femmes jouissent des mêmes libertés. Il y a des progrès, notamment au sein de la nouvelle génération, mais il est utile de rappeler que la gent féminine est traditionnellement considérée comme impure. Voyons ensemble quelle est la position de la Japonaise dans la société nipponne contemporaine.

Le rôle de la femme dans le ménage

Dans un ménage japonais classique, le père et la mère ont chacun un rôle bien défini. Ainsi, une Japonaise est tenue de gérer l’argent du foyer. Elle endosse alors la fonction de femme à la maison en s’occupant de l’organisation budgétaire, mais aussi de l’alimentation, de la famille ou encore de l’éducation des enfants. Heureusement, ce destin, auparavant fatidique et systématique, tend à se marginaliser grâce aux études. Depuis plusieurs années, de plus en plus de femmes accèdent à des diplômes significatifs et peuvent prétendre à des postes à hautes responsabilités.

Il y a cependant de nombreux scandales qui ont éclaté au cours de ces dernières années. L’Université de médecine de Tokyo a reconnu en 2018 qu’elle avait manipulé les résultats de son examen d’entrée pour que les femmes soient désavantagées. L’aveu a été suivi par neuf autres témoignages d’écoles de médecine du pays. Une véritable politique discriminatoire s’est ainsi appliquée pendant des décennies. Après une relative émancipation, force est de constater que les filles ont historiquement opté pour des formations brèves. Si l’on prend l’exemple d’un niveau supérieur au Bac +2, cela ne concerne que 15 % des Japonaises en 2020.

Pour autant, bon nombre de problèmes rencontrés par les femmes japonaises sont liés à la structure familiale traditionnelle. À l’époque, un chef de ménage était chargé de trouver un conjoint pour l’héritier de la famille. Les femmes mariées, elles, se devaient de produire un successeur. Le mécanisme a heureusement été aboli depuis, mais une configuration semblable se poursuit aujourd’hui dans la façon dont un mari et sa femme se réfèrent à l’un et à l’autre en public. Une épouse utilisera parfois le terme de shujin (maître de maison) pour s’adresser à son compagnon en public. De son côté, l’homme emploiera le mot kanai qui signifie « celle qui reste à l’intérieur de la maison ».

Rappelons que dans la tradition ie (家, qui renvoie au système familial japonais), les femmes se pliaient à l’autorité masculine de trois manières.

  • Lorsqu’elle est jeune, elle se soumet à son père ;
  • Lorsqu’elle est mariée, elle se soumet à son mari ;
  • Lorsqu’elle est vieille, elle se soumet à ses fils.

Ces concepts s’appliquent davantage dans le cadre d’un mariage. Mais au Japon, il serait maladroit d’oublier que les enfants naissent presque exclusivement dans ce dernier. Les femmes célibataires ne représentent que 2 % des accouchements, et les mots mariage et enfants sont synonymes. On constate cependant que de plus en plus, les Japonais ne considèrent plus le mariage comme nécessaire à une vie épanouie. Certains estiment que le mariage résulte majoritairement en une catastrophe financière pour les femmes, en raison de la culture d’entreprise. Les sociétés rechignent à offrir des postes à hautes responsabilités (exigeant une lente et coûteuse formation) à une personne qui quittera cette même société lorsqu’elle s’unira ou aura un enfant.

Il est intéressant de noter que la structure traditionnelle ainsi que les espérances sociales sont certes pénalisantes pour les femmes qui désirent s’émanciper, mais aussi pour les hommes. Il est attendu d’un époux qu’il travaille de longues heures dans son métier. Par conséquent, si un individu souhaite œuvrer à temps partiel ou devenir père au foyer, il fera bien souvent l’objet de critiques.

On observe au Japon une franche séparation entre les deux sexes. Cela commence dès l’école primaire (lorsqu’elles sont mixtes) où la liste d’appel se fait en deux temps. Sans surprise, les garçons seront toujours appelés en premier, tradition oblige. Même si la situation semble se démocratiser dans les foyers japonais, de nombreux parents hésitent encore à investir des sommes conséquentes (voilà un autre problème du Japon et de l’Asie en général) sur les études de leur fille.

Enfin, il n’est pas rare de considérer la maternité comme la caractéristique déterminante d’une femme au Japon. Alors même que le pays n’arrive pas à endiguer son faible taux de natalité, la grossesse est trop souvent constitutive de l’âge adulte, du moins dans une certaine attente culturelle. Au XXIe siècle, il est de plus en plus courant que des femmes célibataires, entre la fin de la vingtaine et le début de la trentaine, soient reconnues comme des membres de la société, des shakaijin. Pour autant, elles subissent fréquemment des pressions sociales ou des remarques incongrues pour les inciter à se marier.

La femme et le travail au Japon

Comme nous l’avons vu ci-dessus, de plus en plus de dames ont la possibilité de ne pas se vouer à une carrière de femme au foyer. Cela est particulièrement vrai dans les grandes villes et notamment à Tokyo, la capitale. De manière générale, on peut affirmer que les femmes cheminent vers l’égalité au Japon. Beaucoup ont désormais une activité professionnelle, qu’elle soit à temps plein ou partiel. La population active féminine au Japon a progressé de 27,7 % à 30,44 % entre 2011 et 2020. Selon une étude de la banque de données Teikoku, le pourcentage de femmes présidentes d’entreprises japonaises (PDG) est passé de 4,5 % à (seulement) 8 % entre 1990 et 2020. La tendance est indéniablement à la hausse, mais demeure sans doute trop modérée compte tenu des énormes changements sociétaux des trois dernières décennies.

Pour autant, les inégalités sur le marché du travail restent préoccupantes. Selon des associations féministes, une femme japonaise touche en moyenne 50 % de moins qu’un homme pour la même tâche. À titre de comparaison, on mesurait cette même statistique à 37 % en France pour l’année 2008. Les femmes nippones doivent toujours poursuivre une lutte quotidienne contre la misogynie et l’objectivation. L’étrange considération de la femme au Japon est consacrée à la télévision : la femme est tantôt une déesse, tantôt objectivée. Malheureusement, on ne l’estime que trop peu comme une personne à part entière. Là encore, la place de l’homme n’est guère plus réjouissante, tant la gent masculine est dépeinte comme uniquement motivée par le sexe et d’autres désirs primaires.

Les femmes japonaises ont tendance à avoir pour habitude de justifier leur activité professionnelle comme une extension de la responsabilité du soin de leur famille. Aujourd’hui, la plupart des femmes japonaises quittent leur emploi après le mariage. Elles y retournent a posteriori, lorsque leurs plus jeunes enfants sont scolarisés. Il y a toujours une démarcation conséquente entre le travail d’un conjoint, associé à de longues heures et un engagement total, et le poste de l’épouse qui serait davantage un supplément.

Il existait d’ailleurs au Japon une loi, en vigueur jusqu’en 1986, qui permettait aux entreprises de forcer leurs salariées à démissionner à la suite d’un mariage. La parité reste un sujet critique dans le milieu professionnel. Un rapport sur la parité entre les hommes et les femmes, publié en 2014 par le Forum économique mondial, positionne le Japon à la 104e place sur les 142 états participants. Cela englobe les perspectives financières des Japonaises, mais aussi leurs contributions.

Les mentalités semblent malgré tout évoluer. Le 4 juin 2022, le gouvernement japonais a appelé à une réorganisation des pratiques du travail, de la fiscalité et des systèmes de sécurité sociale. La conviction nipponne selon laquelle le mariage garantit aux femmes la stabilité financière pour le reste de leur vie « est une chose du passé ».

L’administration entend rendre obligatoire la publication des données sur l’écart de rémunération entre les sexes pour les entreprises de 300 employés ou plus. Le Premier ministre Fumio Kishida a soutenu son vœu de placer « l’autonomisation économique des femmes » au centre de sa « nouvelle forme de capitalisme ».

Les hommes sont également concernés par ce processus de mutation de mentalité japonaise. Le thème du congé de paternité revient comme un boomerang. Le télétravail est aussi en ligne de mire, en particulier pour les jeunes parents.

À partir d’octobre 2022, les hommes peuvent prendre jusqu’à 4 semaines de congés dans les 8 semaines suivant la naissance de leur enfant. Les responsables se sont prononcés dans une étude publiée en juin 2022. Quelque 20,8 % des dirigeants se disent « prêts à accepter » un congé parental d’une semaine maximum. 58 % jugent que l’intervalle satisfaisant est limité à un mois. 30,4 % des salariés masculins souhaitent embrasser un congé parental « inférieur à un mois » alors que 33,8 % espèrent une période comprise entre 6 et 12 mois. Il y a donc un grand écart entre la durée du temps que les gestionnaires considèrent appropriée et ce que les employés masculins désirent prendre.

Le rapport du forum économique mondial en 2022 conforte le Japon dans sa médiocrité en matière d’écart entre les sexes. Le pays du soleil levant s’est listé 116e sur 146 pays. Il occupe, encore une fois, la dernière place parmi les pays industrialisés du Groupe des 7 (G7). Le 2e État le moins bien classé est l’Italie, à la 63e place. Les autres prennent position entre la 10e et la 27e place. Ce n’est pas tout, puisque le Japon est également arrivé dernier de son groupe régional, l’Asie de l’Est et du Pacifique. La performance du Japon a été légèrement inférieure à celle de l’année dernière. L’échelle de l’étude varie entre 0 et 1. L’archipel affiche un triste 0,65. Il faut atteindre le score de 1 pour parvenir à une parité complète entre les hommes et les femmes. Cet indice suit les hétérogénéités entre les sexes, et non les ressources à la disposition des femmes en tant que telles. Le pays le plus équitable du classement, pour la 13e année consécutive, est l’Islande. Elle obtient un résultat général de plus de 0,9.

En 2024, la situation nippone ne semble toujours pas progresser. Le pays est l’un des pires élèves au monde concernant la qualité de l’environnement de travail pour les femmes. Parmi les 29 pays membres de l’OCDE, le Japon se classe 27e. C’est une place de plus que l’année 2023, devant la Turquie et la Corée du Sud. Cependant, compte tenu des initiatives lancées ces derniers mois, ce n’est pas une performance suffisante.  Le Japon se classe au pire rang en termes de proportion de femmes occupant des postes de direction (14,6 % alors que la moyenne de l’OCDE est de 34,2 %). Même topo pour la proportion des femmes cadres (de seulement 18 % contre 33 % de moyenne pour l’OCDE). Enfin, on apprend que les femmes gagnent en moyenne 21,3 % de moins que les hommes. Pour les curieux, ce classement est réalisé chaque année par le magazine The Economist et a historiquement toujours été dominé par les pays nordiques. Depuis plusieurs années, le trio Japon, Corée du Sud et Turquie est régulièrement dans le bas du panier.

Des emplois féminins

Dans tous les pays, on note des disparités entre certaines familles d’emploi. Cela peut être pour des raisons physiques (qui favoriseraient alors les hommes) ou par tradition. Mais au Japon, on assume parfois complètement le clivage hommes-femmes. C’est le cas pour des métiers qui sont largement pratiqués et catalogués comme féminins : secrétaire médicale, hôtesse de caisse, professions de l’assistanat, réceptionniste, etc. Ainsi, il est très rare de voir un homme exerçant l’activité d’assistant. Les postes masculins sont par exemple la fonction de policier, de soldats ou de conducteur de train. La démarcation entre ces familles de métiers pourrait bien ralentir les changements de rôle dans la plupart des groupes démographiques.

Quoi qu’il en soit, le Japon reste une société traditionnellement patriarcale. Selon un rapport du Forum économique mondial sur les égalités entre les sexes en 2020, le Japon pointe à la triste 121e place, sur 149 pays ! D’ailleurs, pendant très longtemps, les législations sur les agressions sexuelles ne permettaient pas réellement à une femme de se défendre devant la loi. Il a fallu attendre 2017 pour que le Japon rehausse la peine minimale de prison pour viol (et reconnaisse les victimes masculines). Une première en 110 ans d’existence.

Encore aujourd’hui, les procédures juridiques ne favorisent pas systématiquement la persécutée. Une victime de viol est ainsi forcée de prouver qu’elle ne pouvait pas résister pour que sa plainte soit valable. Autre exemple, le divorce. Après avoir complété une instance de divorce, une femme doit attendre plus de trois mois avant de pouvoir légalement se remarier. Ce délai était même de six mois avant 2016. Cela s’applique également à une femme devenue veuve pour quelque raison que ce soit.

Le consentement du partenaire est requis pour les avortements chirurgicaux, en vertu de la loi japonaise de 1948 sur la protection maternelle. La pilule du lendemain sera approuvée fin 2022 au Japon (1er juin 1999 en France !). Les femmes auront toutefois la triste obligation de recueillir l’accord de leur partenaire. Une procédure qui soulève des tensions lorsqu’un désaccord éclate avec le conjoint.

L’Organisation mondiale de la santé et le comité des Nations unies sont farouchement opposés à la politique menée par le Japon. Les deux organismes militent pour supprimer la nécessité d’une autorisation. Cela réduit le corps des femmes à la propriété des hommes. Elles ne peuvent jouir de choix indépendants, et surtout de leurs droits et des libertés qui leur sont naturellement dues.

Autre problème de taille : le montant des nouveaux médicaments. Les premiers éléments fournis par le gouvernement laissent entendre que les pilules ne seront pas couvertes par l’assurance-maladie nationale du Japon. Le coût pour une seule dose peut atteindre 100 000 ¥, soit 704 €…

Une évolution en 2022

Enfant-Japon

Le 15 octobre 2022, on apprend que le Japon s’apprête à modifier la loi du XIXe siècle qui détermine la paternité d’un enfant né après un divorce. La loi nipponne tente de réduire le nombre de bébés qui ne sont pas déclarés et qui ont des difficultés à accéder aux soins de santé et à l’éducation. Le gouvernement, c’est-à-dire le Cabinet, a approuvé le vendredi 14 octobre 2022 un projet de loi en vertu duquel la paternité sera attribuée au conjoint de la mère au moment de la naissance.

Cette nouvelle législation qui est en fait une révision de celle en application doit encore être présentée au Parlement pour son adoption au cours de la session actuelle. Il mettra fin à l’interdiction faite aux femmes enceintes de se remarier dans les 100 jours suivant un divorce. Cette interdiction est apparemment imposée pour éviter les conflits de paternité.

Rappelons que la législation japonaise est vieille, très vieille. Elle s’appuie sur un Code civil de 1898 qui est toujours en usage. Selon ce dernier, un enfant né d’une femme dans les 300 jours suivants le divorce est considéré comme celui de son ancien mari. Cela est valable même si elle s’est remariée entre-temps. Par conséquent, on trouve aujourd’hui de nombreuses femmes japonaises qui choisissent de ne pas enregistrer leurs enfants plutôt que de se conformer à la réglementation.

Tout cela intervient alors que le Japon est considéré comme un pays développé à la traîne en matière d’égalité des sexes. Il a récemment été classé 116e sur 146 pays dans le rapport annuel sur l’écart entre les sexes publiés par le Forum économique mondial en juillet 2022. Il fait aussi partie des 32 pays qui maintiennent des restrictions discriminatoires lors du remariage des femmes après un divorce, selon l’Organisation de Coopération et de Développement économique.

Le droit de vote des femmes au Japon

La place d’une femme parmi une société évolue bien souvent avec les droits qu’elle acquiert au fil du temps. Au Japon aussi, les mentalités ont changé, plus précisément après la Seconde Guerre mondiale. C’est ainsi que les Japonaises ont obtenu le droit de vote en 1946. Cela leur a offert une plus importante liberté, un terrain d’égalité avec les hommes et une plus grande estime dans la société.

Le Japon est une démocratie qui élit un Premier ministre concentrant l’ensemble des pouvoirs politiques, et ce même alors que le pays possède un empereur. Le suffrage est toujours universel et secret. Pour voter, il faut avoir 18 ans ou plus. Pour cette raison, le Japon est considéré comme une démocratie parlementaire. Les principes fondamentaux ont été reconnus avec la Constitution de 1947. Elle a notamment proclamé le pacifisme institutionnel.

La politique et les femmes japonaises

Diete-Japon-politique
La Diète nationale, le parlement bicaméral du Japon

Le nombre de femmes députées par élections reste étonnamment faible pour un pays aussi moderne que le Japon. On considère que la politique est une « affaire d’hommes ». Alors que le Japon demeure une société très conservatrice qui ne favorise pas l’émancipation de la femme dans les postes à hautes responsabilités, le désintérêt des jeunes générations pour la politique n’aide en rien. En 2020, les Japonaises ne représentent que 10 % des parlementaires. Dans le gouvernement du Premier ministre, on ne recense que deux femmes sur 21 ministres !

Heureusement, de plus en plus de personnes, féminines comme masculines, militent pour que le statut de la femme progresse au Japon. Une loi qui promeut la participation commune des hommes et des femmes dans le domaine politique a été adoptée en 2018. Pour autant, les failles persistent et les résultats sont maigres. Il faut dire que la législation n’a aucun caractère contraignant. Le parti politique principal du Japon, le PLD, a d’ailleurs manifesté son opposition à maintes reprises.

C’est donc sans réelle surprise que les partis politiques n’impliquent que très peu de femmes. Il apparait que les idéologies de gauche introduisent plus volontiers des Japonaises. La palme revient au parti social-démocrate qui a investi 60 % de candidates ! Derrière, nous chutons à 35,4 % pour le Parti communiste, 18,4 % pour le Parti démocrate-constitutionnel et seulement 9,7 % pour le PLD, parti de la majorité…

Un nombre sans précédent de 181 des 545 personnes qui se soumettent à l’élection de la chambre des conseillers du Japon le 10 juillet 2022 sont des femmes. Cela représente 33,2 % de l’ensemble des candidats. C’est un chiffre record.

Il est en hausse de 77 par rapport au dernier concours de la chambre autant 2019. Le pourcentage des dames a augmenté de 5,1 points par comparaison avec l’ultime scrutin. Attention toutefois : il demeure 3 parties (dont le parti libéral-démocrate au pouvoir) dans lesquels le ratio se situe au niveau de 20 %. L’égalité des sexes n’est clairement pas acquise.

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