Surprise : les Japonais ne seraient donc pas des êtres uniques et exceptionnels. Tout comme les Français et bon nombre de sociétés européennes, un nombre considérable de citoyens a pris la route, quelques heures avant la déclaration de l’état d’urgence et du confinement associé. L’objectif est de fuir la capitale, afin de se réfugier dans la campagne. Et à l’instar de la France, les habitants de ces zones rurales ne sautent pas de joie.
Ce mardi, le Japon et son Premier ministre Shinzo Abe ont déclaré l’état d’urgence. À la date du 7 avril 2020, il ne s’applique pas à l’ensemble des préfectures du Japon. Tokyo ainsi que six autres préfectures sont concernés. Sur les réseaux sociaux, l’idée du « Escape from Tokyo », se traduisant par « s’échapper de Tokyo », a été largement relayée. En quelques heures, les habitants de l’archipel se sont rendu compte de l’importance de l’épidémie de coronavirus. Il y a deux semaines à peine, les Japonais étaient relativement peu concernés par la pandémie mondiale. Cependant, en raison de la récente flambée des cas de coronavirus à Tokyo, ainsi que dans l’ensemble du Japon, la crainte enfle. À l’heure actuelle, la gravité de la situation est relativement modeste par rapport aux sociétés européennes. Plus de 1000 personnes sont contaminées à Tokyo, bien moins que dans les grosses villes européennes et américaines.
L’état d’urgence va durer jusqu’au 6 mai 2020, du moins dans un premier temps. Les gens sont invités à rester à la maison, les entreprises à fermer. En réaction, beaucoup de citoyens habitant Tokyo ont voulu se réfugier chez eux, ou chez leur famille, dans des régions rurales. Les mêmes raisons que nous retrouvons en France sont invoquées, c’est-à-dire bénéficier d’un plus grand espace de liberté, de verdure et de famille. Cependant, les Japonais sont conscients que le quart des contaminées au coronavirus est situé à Tokyo. De plus, la stratégie qui consistait à tracer l’itinéraire des contaminés et d’identifier précisément quelles étaient les personnes entrées en contact avec ces derniers ne fonctionne plus. Ainsi, il y a énormément de cas de personnes contaminées, mais asymptomatiques et inconnues. Le fait que ces dernières puissent prendre la route pour se rendre dans des zones rurales, actuellement moins touchées par la pandémie, est de « l’égoïsme pur », selon les commentaires que l’on peut lire en ligne.
Les autorités n’ont pas été sourdes quant à ce nouveau trafic de flux humains. Selon les médias locaux, la région montagneuse de Karuizawa a connu un week-end record, avec une augmentation considérable du nombre de plaques d’immatriculation en provenance de Tokyo. Les services hospitaliers ont d’ores et déjà mis en garde contre ces arrivées, qui ont la fâcheuse tendance de peser sur les systèmes médicaux locaux, parfois déjà fortement surchargés. Pour Nobuhiko Okabe, membre du groupe gouvernemental d’experts qui s’occupe de la réaction nipponne face au coronavirus, ce genre de déplacement « ne fera que répandre le virus partout ». Rappelons qu’à la date du 7 avril 2020, certaines des 47 préfectures du Japon n’ont signalé aucun cas. Les administrations locales veulent durcir le ton, comme dans la préfecture du nord-est, à Iwate : toute personne en provenance de la capitale sera confinée deux semaines.
À Yamanashi, une préfecture centrale et essentiellement rurale, le gouverneur demande aux Japonais de faire « preuve de retenue ». « Vos actions pourraient, dans le pire des cas, entraîner la mort de dizaines, voire de centaines. » Bon nombre de Japonais sont en rage de voir ce type de comportement se produire. Les régions rurales du Japon sont davantage composées de seniors, plus exposés à ce type de virus. Également, les systèmes médicaux ne sont pas aussi poussés et parés à un afflux de malades au sein de la capitale. Tout comme en France, chacun est libre de vivre comme il souhaite. Cependant, pour sortir le plus rapidement possible de cette situation, il est nécessaire de coopérer.
Source : JapanToday