
L’alliance entre Honda et Nissan s’annonçait comme un tournant majeur pour l’industrie automobile japonaise. En décembre dernier, les deux constructeurs avaient entamé des discussions en vue d’une fusion estimée à 58 milliards de dollars, un accord qui aurait permis de créer le quatrième plus grand constructeur automobile mondial. Toutefois, à peine un mois plus tard, l’avenir du projet semble plus incertain que jamais.
Un élément clé a fait dérailler les négociations : Honda a surpris Nissan en proposant de faire de ce dernier une filiale à 100 %, une décision radicale qui a été très mal reçue par l’état-major de Nissan. Ce changement soudain a considérablement tendu les discussions, mettant en péril la réussite de la fusion. Derrière ce revirement stratégique, Honda cherche à maximiser son contrôle sur Nissan, dont les finances sont en difficulté, mais cette approche agressive pourrait bien condamner l’accord avant même qu’il ne voie le jour.
Un changement de cap brutal qui divise
À l’origine, la fusion devait se faire sous la forme d’une holding conjointe, permettant à Nissan de conserver son identité et une certaine autonomie dans la prise de décision. Cette structure aurait facilité l’intégration progressive des deux entreprises tout en respectant leur héritage respectif. Mais en décidant de transformer Nissan en filiale à part entière, Honda a bouleversé les équilibres.
Les dirigeants de Nissan ont été pris de court par cette proposition imposée comme un ultimatum. Selon plusieurs sources proches des discussions, la réaction en interne a été négative, bien que l’entreprise n’ait pas encore formulé de réponse officielle. Lors d’un conseil d’administration récent, la proposition de Honda a été accueillie froidement, mais aucune annonce publique n’a encore été faite. L’une des grandes préoccupations de Nissan est la perte totale de son indépendance, un sujet particulièrement sensible après des années de tensions avec Renault dans le cadre de leur alliance historique.
Autre facteur de discorde : la valorisation des actifs et la répartition des parts. Honda, qui affiche une capitalisation boursière cinq fois supérieure à celle de Nissan, se trouve en position de force et souhaite dicter les termes de l’accord. Renault, qui détient 36 % des parts de Nissan, a rapidement réagi en poussant son partenaire japonais à exiger une prime plus élevée pour sa participation. De plus, Renault souhaite éviter un prolongement indéfini des négociations, préférant concentrer ses efforts sur le redressement de son propre groupe.
Une fusion sous pression et un avenir incertain
L’intervention de Renault n’est pas le seul élément externe influençant la fusion. Ces discussions ont été déclenchées en partie par une approche de Foxconn, le géant taïwanais de la fabrication d’électronique, qui a manifesté son intérêt pour racheter une partie des parts de Nissan détenues par Renault. Cet événement a ajouté une pression supplémentaire sur Nissan, le poussant à accélérer les négociations sur son avenir.
Par ailleurs, Honda a mis en place des conditions strictes pour la fusion. Son PDG, Toshihiro Mibe, a clairement indiqué que l’accord ne pourrait se faire que si Nissan réussissait à redresser sa situation financière. Cela impliquerait notamment une réduction de 20 % de sa capacité de production ainsi que la suppression de 9 000 emplois, un plan drastique qui suscite des inquiétudes.
À ce stade, l’avenir du projet reste en suspens. Les négociations initialement prévues pour se conclure fin janvier ont été repoussées à mi-février. D’ici là, Nissan doit prendre une décision : accepter un accord qui signerait la fin de son indépendance ou chercher une alternative pour éviter de tomber sous le contrôle total de Honda. Mais avec des finances en berne et peu d’options viables à court terme, le constructeur pourrait se retrouver contraint à faire des concessions.
L’échec de cette fusion marquerait un revers important pour Honda, qui cherche à renforcer sa position sur le marché automobile mondial, mais aussi pour Nissan, qui continue de lutter pour retrouver sa compétitivité. Dans les semaines à venir, la pression des actionnaires et les jeux de pouvoir entre les différentes parties prenantes seront déterminants pour l’issue de cet ambitieux projet.
Source : arstechnica.com